• LES MODÈLES D'AUTORITÉ

    LES MODÈLES D'AUTORITÉ

    par Frank A. Viola


    Au fond, l'idée de "couverture" repose sur une conception hiérarchique de l'autorité. Cette conception est inspirée des structures d'organisation du monde, et ne reflète en rien le royaume de Dieu. Je m'explique.

    La structure hiérarchique de l'Eglise occidentale moderne émane de ce qu'en matière d'autorité, on a tendance à penser en termes de positions, de postes à remplir, de titres à porter, de grades à atteindre. On cherche à mettre en place des structures d'autorité explicites. Ainsi les termes "pasteur", "ancien", "prophète", "évêque", etc. sont devenus de simples titres désignant des postes ecclésiastiques bien définis.

    Un "poste", au sens où nous emploierons ce mot, c'est une entité sociologique, que crée un groupe de personnes, dont la nature est définie de manière objective, indépendamment de la personne qui le remplit, et des actions qu'elle accomplit. Un poste est créé, puis, ensuite, on cherche quelqu'un qui puisse le remplir.

    Inversement, dans le Nouveau Testament, la conception de l'autorité est plutôt fonctionnelle. On met l'accent sur les dons de l'esprit, la maturité spirituelle, le service de tous les membres les uns pour les autres. L'important ce sont les fonctions, les tâches, et non pas les postes et les titres. La préoccupation principale réside dans les activités qui sont menées: on conduit, on exhorte, on prophétise, on garde, etc. Dit d'une autre façon, dans la conception positionnelle, on s'attache aux noms, tandis que dans la conception fonctionnelle, on s'intéresse plutôt aux verbes.

    Dans l'organisation positionnelle, l'Eglise est construite à la manière des organismes militaires et administratifs de notre culture. Dans l'organisation fonctionnelle, l'Eglise vit. L'exhortation mutuelle vient naturellement. Toutes traces de structure et de rang sont absentes.

    Dans les églises à organisation hiérarchique, il y a comme une machine politique dans l'arrière-plan, qui en élève certains à une position de pouvoir ecclésiastique.

    Dans les églises à organisation fonctionnelle, tous les membres s'exhortent et se fortifient mutuellement dans les dons donnés par l'Esprit à chacun d'entre eux, et sont dirigés par une écoute commune des instructions du Seigneur.

    En résumé, l'autorité selon le Nouveau Testament est corporelle et fonctionnelle, alors que le modèle hiérarchique de l'autorité est fondamentalement mondain. Et il y a une proximité naturelle entre le modèle hiérarchique et l'idée de "couverture protectrice".

    Jesus et les païens / L'idée hiérarchique de l'autorité. 

    Pour clarifier le problème de la "couverture", il peut être bon de considérer le ministère de Jésus à ce sujet. Observons le contraste qu'Il fait entre le modèle hiérarchique du monde païen et l'autorité dans le Royaume de Dieu.

    Alors que Jacques et Jean avaient demandé une place d'honneur à la droite de son Trône, voici ce que Jésus répondit :

    ...Vous savez que les chefs des nations LES TYRANNISENT, et que les grands LES ASSERVISSENT. IL N'EN SERA PAS DE MÊME AU MILIEU DE VOUS. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup. (Matthieu 20:25,26)

    Et aussi,

    ... Les rois de nations les MAÎTRISENT, et ceux qui LES DOMINENT son appelés bienfaiteurs, QU'IL N'EN SOIT PAS DE MEME POUR VOUS. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert. (Luc 22:25,26)

    Le mot grec traduit "asservir" dans le passage de Matthieu est katexousiadzo. Katexousiadzo résulte de la combinaison des deux mots Kata, signifiant au-dessus ou par-dessus, et exousiadzo signifiant "exercer l'autorité". (Dans Luc le même sens est préservé, quoique les mots diffèrent quelque peu.)

    Jésus, dans ces passages, ne condamne pas tant, en soi, les dirigeants oppressifs, mais plutôt, l'autorité hiérarchique qui dirige le monde païen. Je répète.

    Jésus ne condamnait pas simplement les gouverneurs tyranniques; il rejetait en fait la structure hiérarchique elle-même !

    Cette structure hiérarchique se fonde sur l'idée que le pouvoir et l'autorité coulent d'en haut, et que chaque niveau social doit obéir aux ordres des niveaux supérieurs, et domine sur les niveaux inférieurs.

    La structure hiérarchique de l'autorité se base sur un concept mondain de la puissance. Cela explique qu'elle soit appliquée dans toutes les structures bureaucratiques traditionnelles. On la retrouve dans les relations seigneur/vassal et maître/esclave, de même que dans l'organisation militaire ou gouvernementale.

    Toute bénigne qu'elle puisse souvent être, cette forme d'autorité est nuisible au peuple de Dieu, car elle réduit les relations humaines à des questions d'ordres et d'obéissance. C'est-à-dire qu'elles sont à l'image des relations au sein d'une structure militaire, ce qui ne trouve pas sa place dans les enseignements et les exemples du Nouveau Testament.

    Cette forme d'autorité est employée partout dans la culture païenne. Il est regrettable qu'elle ait été adoptée aussi par la plupart des églises chrétiennes de notre époque.

    Si l'on résume l'enseignement du Seigneur sur ce type d'autorité, les contrastes suivants se dessinent :

    Dans le monde païen, les dirigeants fonctionnent sur la base d'une structure socio-politique -- une hiérarchie -- leur assurant l'obéissance de leurs ordres, et donc leur pouvoir. Dans le royaume de Dieu, l'autorité vient d'une humilité d'enfant et d'un service dévoué.

    Dans le monde païen, l'autorité se fonde sur la position et le rang. Dans le royaume de Dieu, l'autorité est reconnue à ceux dont le caractère ressemble à celui de Dieu. Remarquez comment Christ décrit les dirigeants: "Qu'il soit un serviteur" et "Qu'il soit comme le plus petit". Aux yeux de notre Seigneur, l'être précède au faire, et le faire vient de l'être. Autrement dit, la fonction provient du caractère. Ceux qui servent le font parce qu'ils sont des serviteurs.

    Dans le monde païen, la grandeur se mesure par la proéminence, le pouvoir externe, et l'influence politique. Dans le royaume de Dieu, la grandeur se mesure par l'humilité intérieure et la servitude extérieure.

    Dans le monde païen, les dirigeants exploitent leur position pour dominer sur les autres. Dans le royaume de Dieu, les dirigeants ne veulent pas être honorés particulièrement. Ils se considèrent "comme le plus petit".

    L'autorité hiérarchique est caractéristique de l'esprit des païens. L'adoption de ces principes par l'Eglise est donc naturellement en contradiction avec les enseignements du Nouveau Testament. Le Seigneur n'a pas caché son dédain envers cette conception de l'autorité. Il a même dit : "Il n'est sera pas de même parmi vous!".

    En conclusion, l'enseignement de Christ n'est pas compatible avec le modèle d'autorité hiérarchique qui existe dans l'Eglise moderne.

    Jésus et les Juifs / Le modèle positionnel de l'autorité 

    Notre Seigneur a aussi opposé le modèle d'autorité du Royaume au modèle d'autorité du monde religieux. Dans le passage suivant Jésus oppose vivement le modèle divin au concept juif:

    Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre maître, et VOUS ETES TOUS FRERES. Et N'APPELEZ PERSONNE SUR LA TERRE VOTRE PERE; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. NE VOUS FAITES PAS APPELER DIRECTEURS; car un seul est votre Directeur, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé. (Matt 23:8-12)

    Nous pouvons en tirer les choses suivantes :

    Dans le système religieux des juifs, il y a un système de classes constitués de spécialistes en matières religieuses d'une part, et des non-spécialistes d'autre part. Dans le royaume, tous sont frères de la même famille.

    Dans le monde juif, on attribue aux dirigeants religieux des titres honoraires (par exemple: Professeur, Père, Pasteur, Evèque, Prêtre, Ministre, etc.) Dans le royaume, on n'utilise pas de tels titres, qui obscurcissent l'honneur unique qui est dû à Jésus Christ et lui seul, et qui ignorent la révélation du Nouveau Testament qui élève tous les chrétiens à la position de ministre et de prêtre.

    Dans le monde juif, les dirigeants sont élevés à des positions de gloire aux yeux de tous. Dans le royaume, les dirigeants préfèrent travailler dans les modestes conditions de la servitude, et dans l'humilité.

    Dans le monde juif, l'autorité se fonde sur les statuts, les titres, et la position. Dans le royaume, l'autorité se fonde sur la vie et le caractère intérieurs. (Dans cet esprit, en affectant des "doctorats" honoraires à une partie considérable du clergé, comme on le voit si souvent aujourd'hui, l'Eglise moderne ne fait qu'imiter ces principes d'autorité qui vont à l'encontre du royaume de Dieu.)

    En résumé, l'autorité dont parle Jésus est loin de ce qui existe dans la plupart des églises modernes. Le Seigneur en a terminé aussi bien avec le modèle païen/hiérarchique que le modèle juif/positionnel de l'autorité.

    Ces modèles, qui flattent l'ego des dirigeants et à les promouvoir à des places d'honneur, sont incompatibles avec la simplicité primitive de l'Eglise et du Royaume de Jésus Christ. Ils brisent l'image de l'église comme famille. Ils empêchent le service pastoral de chaque croyant. Ils nuisent à l'avancement du peuple de Dieu, et à l'expression de l'autorité suprême de Christ dans son église. C'est pourquoi "il n'en sera pas de même parmi" ceux qui portent le nom du Sauveur.

    Les apôtres et l'autorité hiérarchique/positionnelle 

    Nous avons vu comment notre Seigneur condamnait les structures d'autorité hiérarchique/positionnelle. Mais qu'en est-il de Paul et des autres apôtres? Contrairement à ce que pensent beaucoup, les lettres du Nouveau Testament ne parlent jamais de l'autorité dans l'église en termes de "postes" ni d'organisation sociale humaine. (Nous traiterons plus tard des divers passages utilisés fréquemment pour défendre l'idée de "postes" ecclésiastiques.)

    A chaque fois que le Nouveau Testament se réfère à ceux qui sont principalement responsables de l'église, il le fait en parlant de leurs actions. Ainsi, on parle surtout en termes de fonctions. Les verbes abondent.

    Les responsables de l'assemblée locale sont appelés des anciens (Tite 1:5-7), pour la simple raison qu'ils exerçaient le rôle d'un ancien : être des modèles de maturité pour les plus jeunes dans la foi, et veiller au bien-être spirituel de l'église (1 Pierre 5.2,3).

    Le rôle des anciens est illustré par la métaphore du "berger" (Actes 20:28; 1 Pierre 5:1-4). De même qu'au sens propre un berger a garde les brebis, un "berger", au sens figuré, garde les "brebis", en prend soin.

    Le terme "ancien" ne correspond donc pas à un poste ecclésiastique très précis. Plutôt, ce mot est employé dans les Ecritures pour décrire ce que doivent être les responsables de l'église: des hommes âgés, d'une grande maturité spirituelle. Et s'ils sont appelés des "bergers", c'est pour indiquer la fonction qu'ils exercent: ils veillent sur les "brebis".

    Il est à noter que tous les chrétiens participent à la direction corporelle de l'église. Chacun dirige en exerçant son don spirituel. Comme je l'ai montré dans "Rethinking the Wineskin", l'assemblée toute entière dirige l'église et prend les décisions. Lorsqu'ils émergent (ce qui peut prendre du temps), les anciens veillent sur l'assemblée.

    Le rôle des anciens et des responsables ecclésiastiques 

    En Grec, le mot traduit "ancien" (presbuteros) signifie simplement un vieil homme. Au fond, un ancien, c'est donc un saint âgé, un frère qui a vécu.

    Les anciens mentionnés dans le Nouveau Testament étaient simplement des hommes d'une grande maturité spirituelle, et d'une vie exemplaire, chargés de veiller aux affaires de l'église (et non pas de les diriger ni de les contrôler).

    Les anciens n'étaient pas les chefs de l'organisation de l'église. Ce n'étaient pas des prêtres professionnels, des gérants ecclésiastiques. C'étaient simplement des frères âgés, qui remplissaient dans l'église, de par leur expérience et leur maturité, certaines fonctions : ils "faisaient paître" l'assemblée, veillaient sur elle, la conseillaient, etc.

    Leur tâche était triple: être des modèles de servitude dans l'église; motiver les saints aux bonnes oeuvres; et façonner les jeunes croyants dans leur développement spirituel (1 Pierre 5:1-3). Ils s'occupaient aussi des situations délicates qui se produisaient dans l'église (Actes 15:6).

    Mais jamais les anciens ne prenaient les décisions pour l'église. Comme je l'ai montré dans "Rethinking the Wineskin", les décisions n'étaient prises, dans le Nouveau Testament, ni sur une base dictatoriale, ni sur une base démocratique, mais sur le principe du consensus général. Tous les frères et soeurs étaient concernés.

    Les anciens, en tant que gardiens de l'église, surveillaient le travail des autres (plutôt que de s'y substituer). Ils priaient les yeux ouverts, prenant toujours garde aux loups. En temps de crise, on s'appuyait sur leur sagesse, et leur longue marche donnait du poids à leurs conseils.

    Avec un coeur de berger, ils portaient les fardeaux de l'église. Ils guidaient, protégeaient et nourrissaient les jeunes croyants, jusqu'à ce qu'ils puissent tenir termes par eux-mêmes.

    Autrement dit, les anciens étaient une aide spirituelle, qui guidaient et nourrissaient l'assemblée, et encourageaient le dévouement dans l'église. Ainsi, l'"ancienneté" est une action, et non pas un poste qui est à remplir.

    Tout ceci est assez clair dans le Nouveau Testament, car si Paul et les autres apôtres avaient voulu dépeindre les anciens comme occupant un poste, il y a de nombreux mots grecs qu'ils auraient pu employer.

    Il est cependant révélateur que les termes suivants soient absents de leur vocabulaire ecclésiastique :

    ·         arche (un dirigeant, un chef)

    ·         time (un officier, un dignitaire)

    ·         telos (le pouvoir propre d'un dirigeant)

    ·         archisunagogos (un responsable de synagogue)

    ·         hazzan (un conducteur de louange)

    ·         taxis (un poste, une position, un grade)

    ·         hierateia (le poste de prêtre)

    ·         archon (un directeur, un chef)

    Jamais le Nouveau Testament n'emploie de ces mots pour décrire la direction de l'église. Comme Christ, le mot qu'emploient le plus souvent les apôtres pour décrire les dirigeant de l'église est "diakonos", ce qui signifie "serviteur".

    Ainsi, dépeindre ces serviteur-dirigeants comme détenteurs d'un poste, d'un office, c'est dévitaliser le fonctionnement de l'église, en obscurcissant le sens original des mots bibliques!

    Le problème du rôle pastoral moderne 

    De la même manière, la notion, communément acceptée de nos jours, du "sola pastora" (un seul pasteur) est en désaccord avec le Nouveau Testament. L'idée d'un homme qui se tiendrait à la tête de l'assemblée locale, dirigerait toutes ses affaires, lui prêcherait tous les dimanches, conduirait ses baptêmes et sa communion, est totalement étrangère à la Bible.

    Le rôle du pasteur est devenu de nos jours une profession hautement spécialisée. Cette conception représente une invention post-biblique qui évoque des traditions sacerdotales bien-intentionnées mais sans véritable intérêt. C'est essentiellement un héritage des pratiques romaines (un prêtre), ce qui rappelle d'avantage la prêtrise lévitique que les principes énoncés dans le Nouveau Testament.

    D'autre part, ceux qui exercent le rôle de pasteur ont tendance à être déformés par ce professionnalisme clérical. Aucun homme n'est appelé à subvenir à lui seul aux besoins de l'église. C'est un fardeau trop lourd, et Dieu ne nous a pas demandé de le porter.

    De plus, le pasteur maintient l'assemblée dans un état permanent d'infantilité spirituelle, dans la mesure où il empêche aux croyants de remplir le ministère spirituel qu'ils sont appelés à exercer les uns envers les autres, ce qui du coup les rend faibles et dépendants du pasteur, incapables de chercher par eux-mêmes la nourriture spirituelle.

    Certes, nombre de pasteur exercent leur rôle pour des motifs louables, désirant sincèrement voir leur assemblée croître, et prendre de la responsabilité spirituelle, et beaucoup même se désolent de l'état de leur église, mais sans remettre en question la place qu'ils occupent.

    Mais malgré tout, le poste moderne du pasteur, de par sa nature-même, étrangle inévitablement la pratique de la prêtrise de chaque croyant.

    Comme c'est le pasteur qui se charge du travail de l'église toute entière, la plupart des croyants deviennent passifs, paresseux et égocentriques, et leur marche spirituelle s'arrête. Ainsi, aussi bien le pasteur que la congrégation se trouvent affaiblis par ce poste totalement extra-biblique.

    S'il est vrai que dans le Nouveau Testament, Paul est appelé un "apôtre", Philippe un "évangéliste", Manaen un "enseignant" et Agabus un "prophète", il est à noter que personne n'est appelé un "pasteur". Ce mot n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Testament (Eph. 4:11), et il s'agit alors d'une métaphore, et non pas d'un poste ecclésiastique. Ceci est manifestement en opposition aux pratiques courantes. Nous avons l'habitude de considérer que le pasteur est la tête de l'église locale. Dans les mentalités actuelles, le pasteur représente "son" église, alors que le Nouveau Testament accorde bien plus d'importance aux autres ministères.

    Finalement, le rôle pastoral moderne empêche que le Seigneur Jésus soit réellement la Tête de son église, et qu'il dirige vraiment ses croyants. Même ceux qui seraient particulièrement doués pour enseigner et veiller sur le troupeau ne peuvent pas exercer leur don au sein d'une assemblée présidée par un pasteur. Ainsi, la prêtrise de tous les croyants, telle qu'elle est conçue et énoncée par Dieu dans le Nouveau Testament, ne peut s'exprimer pleinement dans de telles conditions.

    En général, si quelqu'un autre que le pasteur -- aussi mature, doué et fiable soit-il -- tentait d'enseigner les brebis, le pasteur se sentirait menacé, et y mettrait fin, sous prétexte de "protéger" le troupeau!

    Pour être plus précis, la conception moderne du pasteur est très loin de la pensée de Dieu. Elle impose à la vie et au dynamisme de l'église du Nouveau Testament la camisole de l'Ancienne Alliance.

    Pourtant, en dépit de la tragédie spirituelle que cela engendre, les masses continuent de défendre et de se reposer sur ce poste non-biblique. C'est pourquoi les "laïcs" sont tout aussi responsables de ce problème que l'est le "clergé". Comme dit Jérémie 5:31, "les sacrificateurs dominent par leur propre moyen; et mon peuple l'aime ainsi. Et que ferez-vous à la fin?" (Darby)

    En fait, beaucoup de chrétiens trouvent plus commode d'embaucher un spécialiste religieux pour prendre en charge la responsabilité du ministère, que de faire l'effort de s'occuper eux-mêmes les uns des autres, et de vivre la servitude humiliante à laquelle Christ nous a appelés.

    Les mots du prophète traduisent bien le mécontentement du Seigneur face à cette attitude : "Ils ont établi des rois sans mon ordre, et des chefs sans se référer à moi ..." (Osée 8:4)

    A la lumière de ces faits, on pourrait se demander sérieusement pourquoi le rôle pastoral demeure si communément accepté dans les églises d'aujourd'hui. La réponse c'est que ce poste est profondément lié à l'histoire de la Réformation, et il est renforcé par les impératifs culturels de notre époque.

    Dans notre obsession pour les titres et les postes, caractéristique de la culture occidentale du vingtième siècle, nous avons été amenés à surimposer nos propres idées au modèle ecclésiastique du Nouveau Testament. Celui-ci, pourtant, s'oppose ouvertement à l'idée que l'église puisse être menée par un seul homme, ou que le rôle des anciens en soit réduit à un poste officiel.

    Les Ecritures sont aussi en désaccord avec la pratique courante d'élever l'un des anciens (le "senior pastor") à une position de supériorité et d'autorité sur les autres. A aucun moment le Nouveau Testament n'approuve l'idée du primos inter pares -- le premier parmi un ensemble de personnes égales. En tout cas, cette position ne doit pas être instituée de manière formelle ni explicite.

    La rupture entre "le pasteur" et les autres anciens est un accident de l'histoire de l'Eglise. Mais comme cette conception rejoint très bien les mentalités de notre culture, les croyants modernes n'éprouvent aucune difficulté à faire dire aux Ecritures à ce propos ce qu'elles ne disent pas.

    En somme, le rôle du pasteur moderne n'est guère plus qu'un mélange homogénéisé d'administration, de psychologie, et d'art oratoire, conditionné de manière uniforme pour la consommation religieuse. Ainsi, le rôle sociologique du pasteur, tel qu'il est pratiqué dans notre culture occidentale, a très peu en commun avec le Nouveau Testament!

    Le manque d'enseignement sur l'autorité dans le Nouveau Testament. 

    Les lettres de Paul mettent l'accent sur les actions exemplaires, mais elles ne montrent aucun intérêt particulier pour les titres et les postes. Par exemple, à chaque fois que Paul écrit à une église, il s'adresse à l'église elle-même plutôt qu'à ses dirigeants (Rom. 1:7;1 Cor. 1:1;2 Cor. 1:1; Gal. 1:1-2; Eph. 1:1; Phil. 1:1; Col. 1:1-2;1 Thess. 1:1;2 Thess. 1:1).

    (Pour ce qui est des "épîtres pastorales" -- 1 Timothée, 2 Timothée, et Tite -- elles étaient adressées aux collaborateurs apostoliques de Paul et non à des églises.)

    Je répète. A chaque fois que Paul écrivait une lettre à une église, il s'adressait à l'église tout entière, et non pas seulement au(x) dirigeant(s)!

    On retrouve cette tendance dans l'épître aux Hébreux. L'auteur y invite les saints, à la fin de sa lettre, à saluer leurs conducteurs. (Heb. 13:24)

    C'est encore plus frappant quand nous examinons l'église la plus tourmentée dont parle le Nouveau Testament, l'église de Corinthe. Paul ne s'adresse jamais aux anciens. De toute sa correspondance avec les Corinthiens, Paul n'a jamais repris les anciens. Il n'a pas non plus exhorté l'église à leur être plus obéissante. D'ailleurs il ne les a même pas mentionnés!

    Plutôt, Paul en appelle à l'église toute entière. Il lui montre que c'est à elle de prendre la responsabilité des blessures qu'elle s'est infligées. Plus de trente fois dans 1 Corinthiens, Paul exhorte et implore "les frères", comme s'il n'y avait aucun dirigeant.

    S'il y avait eu des dirigeants dans l'église, Paul leur aurait certainement écrit pour résoudre leurs problèmes. Mais jamais il ne s'adressa à eux. A la fin du livre, Paul conseille à l'église de se soumettre au dévoué Stéphanas et à sa maison. Il a cependant élargi ce groupe en disant "et à tous ceux qui travaillent à la même oeuvre."

    Remarquons que Paul insiste sur les fonctions et non les positions. Il s'adresse à toute l'église. Tout le livre de Corinthiens en appelle à l'ensemble de l'église pour prendre en main ses problèmes.

    L'absence dans l'église de Corinthe d'anciens attitrés est particulièrement visible dans 1 Corinthiens 5, où Paul fait appel à l'ensemble de l'église pour remettre à Satan un membre tombé (1 Cor. 5:1). De nos jours, on penserait qu'une telle tâche ne pourrait être accomplie que par ceux d'un assez grand poids ecclésiastique.

    Le contraste entre notre façon de concevoir les anciens et celle de Paul ne pourrait guère être plus marquée. Tout au long de ses neuf épîtres à des églises, Paul ne souffle pas mot à propos des anciens. Il exhorte continuellement "les frères" à agir.

    A une seule occasion, Paul fait allusion aux dirigeants, et ce de manière assez brève. Il salue les dirigeants après avoir salué l'ensemble de l'église (Phil. 1:1). Sa lettre commence par: "Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints qui sont à Philippes, aux évêques et aux diacres". Cet ordre serait assez étrange si Paul tenait à l'idée de dirigeants ecclésiastiques.

    En somme, on voit clairement dans les lettres de Paul le peu d'intérêt qu'il accorde aux anciens. Il rejetait manifestement l'idée que certains membres de l'église puissent dominer sur les autres, ainsi que la notion de postes ecclésiastiques.

    Dans les lettres de Pierre, on retrouve tout-à-fait la même chose. Tout comme Paul, Pierre donne très peu d'attention aux anciens. Quand il s'adresse à eux, c'est pour les mettre en garde contre l'esprit des païens. Il dit explicitement que les anciens sont parmi l'assemblée, et non au-dessus (1 Pierre 5:1-2).

    Les anciens, d'après Pierre ne doivent pas "dominer sur (katakurieuo)" les saints (1 Pierre 5:3). Il est intéressant de remarquer que Pierre utilise le même mot qu'avait utilisé Jésus en parlant de l'autorité. Il a dit : "...les chefs des nations les tyrannisent (katakurieuo)..." (Matt. 20:25).

    Il en est de même dans le livre des Actes. Paul y exhorte les anciens à Ephèse en ces mots: "Prenez donc garde à vous-même, et à tout le troupeau au milieu duquel l'Esprit Saint vous a établis surveillants pour paître l'assemblée de Dieu ..." (Actes 20:28, DBY). Remarquez que les anciens sont au milieu, et non au dessus du troupeau.

    Jacques, Jean et Jude écrivent dans le même esprit. Ils parlent peu d'autorité, et jamais d'une organisation officielle autour des anciens. Le verdict est donc très clair. Le Nouveau Testament rejette unanimement toute notion de charges ecclésiastiques.

    L'ancienneté par opposition à la fraternité. 

    Nous ferions bien de nous demander pourquoi le Nouveau Testament accorde si peu d'importance aux anciens de l'église. La raison est simplement que la responsabilité du soin pastoral, de l'enseignement, et du service dans l'ekklesia repose sur les épaules de l'assemblée toute entière.

    La richesse de la vision Paulienne du Corps de Christ vient de ce qu'il insiste continuellement que chaque membre a ses dons, son ministère; il est un "croyant responsable" dans le Corps (Rom. 12:6;1 Cor. 12:1; Eph. 4:7;1 Pierre 4:10). Par conséquent, la responsabilité du ministère ne doit pas être réservée à quelques-uns.

    Cela explique que le mot adelphoi, traduit "frères", apparaisse 346 fois dans le Nouveau Testament, dont 134 fois dans les épîtres de Paul. La plupart du temps, ce mot fait référence à l'ensemble des croyants d'une église -- hommes et femmes. Par contraste, le mot "anciens" n'apparaît que cinq fois dans les lettres de Paul, "gardien" quatre fois, et "pasteurs" une seule fois.

    L'accent est donc mis, dans le Nouveau Testament, sur la responsabilité corporative. C'est la communauté des croyants, l'église toute entière, qui est appelée à exercer les fonctions pastorales. Tous les frères et soeurs sont appelés, ensemble, à :

    ·         gérer leur propres affaires (1 Cor. 11:33-34; 14:39-40; 16:2-3)

    ·         discipliner les membres déchus (1 Cor. 5:3-5; 6:1-6)

    ·         avertir ceux qui vivent dans le désordre (1 Thess. 5:14)

    ·         supporter les faibles (1 Thess. 5:14)

    ·         abonder dans l'oeuvre du Seigneur (1 Cor. 15:58)

    ·         s'exhorter les uns les autres (Rom. 15:14; Heb. 3:13; 10:25)

    ·         s'enseigner les uns les autres (Col. 3:16)

    ·         prophétiser les uns aux autres (1 Cor. 14:31)

    ·         se rendre serviteurs les uns des autres (Gal. 5:13)

    ·         porter les fardeaux les uns des autres (Gal. 6:2)

    ·         prendre soin les uns des autres (1 Cor. 12:25)

    ·         s'aimer les uns les autres (Rom. 13:8; 1 Thess. 5:11)

    ·         se supporter les uns les autres (Eph. 4:2; Col. 3:13)

    ·         s'exciter mutuellement à l'amour et aux bonnes oeuvres (Heb. 10:24)

    ·         s'encourager les uns les autres (1 Thess. 5:11)

    ·         prier les uns pour les autres (Ja. 5:16)

    ·         exercer l'hospitalité les uns envers les autres (1 Pierre 4:9)

    ·         être en communion les uns avec les autres (1 Jean 1:7)

    ·         confesser leurs péchés les uns aux autres (Ja. 5:16).

    Toutes ces exhortation "les uns aux autres" montrent donc clairement que les soins pastoraux sont la responsabilité de chaque croyant. L'église doit être dirigée de manière corporative et non solitaire.

    Il s'en suit que l'idée que les anciens dirigent l'église, prennent toutes les décisions de la part de l'assemblée, s'occupent de tous ses problèmes et fournissent tout son enseignement est étrangère à la pensée de Paul. La Bible ne dit rien qui puisse faire imaginer une telle chose. Il ne faut pas s'étonner par la suite que la maturité spirituelle des églises dirigées par des anciens ait tendance à s'atrophier, et que les membres deviennent passifs et indolents.

    Il n'y a rien dans le Nouveau Testament pour justifier une église dirigée, gouvernée par des anciens ! Et encore moins par un pasteur ! L'église du premier siècle était entre les mains des frères et soeurs. Purement et simplement.

    L'exemple de l'église primitive nous montre que le service de tous les membres doit prendre le dessus sur la direction des anciens. En vertu de leur maturité spirituelle, les anciens ont simplement pour rôle de montrer l'exemple du soin pastoral (Actes 20:28-29; Gal 6:1;1 Pierre 5:1-4; Héb. 13:17). Le but des anciens, ainsi que des travailleurs extra-locaux est de fortifier les saints afin qu'ils puissent prendre la responsabilité du troupeau (Eph. 4:11-12;1 Thess. 5:12-13). Les anciens peuvent très bien être à la fois prophètes, évangélistes et enseignants. Mais tous les prophètes, évangélistes et enseignants ne sont pas nécessairement des anciens. Encore une fois, les anciens sont simplement les hommes les plus mûrs et fiables de l'église.

    Dans le Nouveau Testament la responsabilité de l'église appartient donc à l'église elle-même. La direction de l'église et la responsabilité pastorale sont la charge de chaque membre, et non d'un pasteur unique, ou d'un groupe d'élites.

    Dans la conception divine de l'église, la fraternité précède et passe au-dessus de l'ancienneté. Paul comprend que la direction de l'église doit être corporative et il s'oppose à ce que l'assemblée soit dominée par quelques-uns. C'est pourquoi il parle beaucoup plus des frères que des anciens. En cherchant à lui faire adosser le concept de charges ecclésiastiques, on va à l'encontre de tout ce qu'il a dit à ce sujet.

    En somme, tout le Nouveau Testament dénonce très clairement l'autorité hiérarchique/positionnelle, en harmonie avec l'enseignement de Jésus. Ainsi, on peut conclure avec la phrase de Jésus: " Il n'en sera pas de même au milieu de vous " (Matt. 20:26)!

    CHAPITRE 2 :
    LES OBJECTIONS CLASSIQUES

    par Frank A. Viola 


    Depuis des siècles, on a abusé de certains passages du Nouveau Testament pour justifier la présence dans l'église de structures d'autorité hiérarchiques / positionnelles. Ces abus ont fait subir de grandes pertes au Corps de Christ. Comme nous l'avons montré dans le chapitre précédent, le Nouveau Testament met l'accent davantage sur les fonctions remplies, l'oeuvre accomplie, que sur le poste ou le titre. Il n'y avait pas, dans l'église primitive, de "charges ecclésiastiques".

    La notion d'autorité hiérarchique/positionnelle provient en partie de ce que certains passages bibliques ont été mal traduits ou mal interprétés, à cause de l'influence des préjugés culturels. C'est ainsi que des mots simples ont été transformés en des titres ecclésiastiques élaborés, pour les faire correspondre à des positions existant dans l'église institutionnelle de l'époque.

    Ces titres ne figurent pourtant pas dans les saintes écritures. Il est donc nécessaire de relire la Bible dans sa langue originelle pour comprendre certains textes. Ainsi, en observant le texte grec, on découvre que: Les évêques sont simplement des gardiens (episkopoi), et non pas des haut-placés de l'église. Les pasteurs sont des hommes qui prennent soin de l'assemblée (poimen), et non pas des enseignants professionnels. Les diacres sont des serviteurs (diakonos), et non des membres de clergé. Les anciens sont de vieux hommes sages (presbuteros), et non détenteurs d'une charge ecclésiastique.

    Heureusement, de plus en plus d'étudiants de la Bible découvrent que le Nouveau Testament ne parle jamais en termes de postes formels. Il s'agit toujours simplement de décrire diverses fonctions exercées dans l'église.

    Ce qui suit est une liste d'objections que l'on formule souvent envers l'idée que la direction de l'église serait non-officielle, non-titulaire, non-hiérarchique. Chaque objection est suivie d'une réponse claire.

    Objections basées sur les actes des apôtres et les épîtres de Paul 

    (1) N'est-il pas question, dans Actes 1:20, Philippiens 1:1 et 1 Timothée 3:1,10,13, de "charges ecclésiastiques"?

    Il est vrai que dans de nombreuses traductions, ces passages semblent se référer à des postes ecclésiastiques formels. Mais dans le texte grec originel, il n'en est rien. Jamais le Nouveau Testament ne parle en termes de postes au sujet de l'église.

    C'est ainsi que dans la version Louis Segond, Philippiens 1:1 se traduit : "Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes, aux évêques et aux diacres ...". Mais en grec, les mots traduits "évêques" et "diacres" sont episkopoi et diakonoi qui signifient "gardiens" et "serviteurs". Dans son sens initial, ce passage n'indique donc pas l'établissement par les apôtres de postes d'autorité ecclésiastique; il décrit simplement les fonctions exercées par les différents membres de l'église à Philippes. Une meilleure traduction serait donc: "aux gardiens et aux serviteurs", ce qui exclut toute idée d'autorité.

    De même, 1 Timothée 3:1 est traduit, dans la version Louis Second : "Si quelqu'un aspire à la charge d'évêque, ...". Mais dans le grec, le mot "charge" n'apparaît pas, et au lieu du mot "évêque" on trouve, comme plus haut, episkopoi, c'est-à-dire "gardiens". J.N Darby donne de ce passage une traduction plus exacte : "Si quelqu'un aspire à la surveillance ...".

    (2) Paul n'indique-t-il pas, par sa liste de qualifications dans 1 Timothée 3:1-7 et Tite 1:7-9, que la fonction d'ancien correspond à une "charge ecclésiastique"?

    Il est important de noter que Timothée et Tite n'étaient pas des pasteurs, ni des anciens d'une église quelconque, mais des travailleurs apostoliques qui se déplaçaient régulièrement. Ils ne restaient que rarement au même endroit pendant une longue durée (par exemple, Paul envoya Tite en Crête, et Timothée à Ephèse pour fortifier ces églises, et régler certains problèmes récurrents).Puisque c'étaient des implanteurs d'églises itinérants, Paul ne les appelait jamais des pasteurs ni des anciens. Ces hommes faisaient partie du cercle apostolique de Paul -- qui avait pour particularité de voyager beaucoup (Rom. 16:21; 1 Cor. 16:10;2 Cor. 8:23; 1 Thess. 1:1;2:6;3:2; 2 Tim. 2:15;4:10).

    C'est dans cette optique qu'il faut comprendre ce qui est écrit dans 1 Timothée, 2 Timothée, et Tite. Cela explique que ces lettres soient si différentes des autres lettres de Paul, écrites à des églises. La métaphore du Corps est totalement absente. Les "frères" ne sont mentionnés qu'occasionnellement, et on y parle peu du ministère mutuel des croyants.

    En même temps, ces lettres ne présentent rien non plus qui puisse ressembler à un début de catholicisme. L'Esprit de Dieu et ses dons y sont évoqués. Paul y fait comprendre que les dirigeants doivent être établis par leur vie exemplaire, et non sur la base d'un poste quelconque.

    Ces textes énoncent donc les qualités essentielles d'un vrai gardien, et non les qualifications nécessaires pour remplir ce poste.

    Et ces qualités sont, au fond, le caractère spirituel, et la fidélité. La droiture morale et la responsabilité. La sainteté et la stabilité. Les listes de Paul servaient donc à Tite et Timothée simplement pour reconnaître et confirmer les gardiens des églises où ils travaillaient (1 Tim 5:22;Tite 1:5).

    De plus, dans le grec, ces textes ne dégagent pas un esprit d'officialité, mais de fonctions. Paul ne dit pas que la surveillance est un poste ecclésiastique; il dit seulement que c'est une "oeuvre excellente" (1 Tim. 3:1). Paul emploie aussi un langage fonctionnel lorsqu'il demande d'honorer les anciens qui "dirigent bien" et "travaillent" à la prédication (1 Tim. 5:17).

    Par conséquent, ce serait de la fantaisie que d'assimiler les fonctions de gardien et d'ancien évoqués dans ces textes aux charges ecclésiastiques modernes, comme celui du pasteur. Nous avons tendance à imposer aux textes bibliques nos préconçus culturels, puis à s'imaginer que la Bible les justifie réellement. A vouloir lire entre les lignes, on en vient à ajouter aux Ecritures des choses qui n'y sont pas. Le fait est que dans les épîtres à Timothée et à Tite, Paul parle avant tout de fonctions et non de postes, tout comme dans ses autres lettres.

    (3) 1 Corinthiens 12:28 dit : "Et Dieu a établi dans l'Eglise premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs ..." Ce texte n'établit-il pas une hiérarchie de charges ecclésiastiques?

    Cette question vient de ce qu'en lisant les Ecritures, on cherche instinctivement à y déceler une hiérarchie humaine. Face à un passage comme 1 Corinthiens 12:28, où le Nouveau Testament présente une liste ordonnée, on ne peut donc s'empêcher d'envisager aussitôt une hiérarchie.

    Et pourtant, tandis que dans notre culture occidentale du vingtième siècle on aime raisonner en termes de schémas et de tableaux, la Bible ne parle jamais ainsi. Il est infondé que de supposer que chaque liste ordonnée dans les Ecritures renfermerait une sorte de hiérarchie.

    Ainsi, c'est à cause de nos préjugés culturels que nous voyons une hiérarchie dans la liste des dons que présente Paul dans 1 Corinthiens 12:28. La question des structures d'autorité n'est nulle part évoquée dans ce passage. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'en tirer une hiérarchie quelconque de l'autorité, en interprétant isolément ce verset.

    Une interprétation plus naturelle serait que l'ordre reflète une priorité logique et non hiérarchique. Autrement dit, l'ordre indique le degré d'utilité du don pour l'édification de l'église (cf. 1 Cor. 12:7,31;14:4,12,26). Cette interprétation s'harmonise bien avec le contexte immédiat dans lequel ce verset apparaît (1 Cor. 12-14).

    Paul dit que pour la construction de l'église, le ministère des apôtre est le plus fondamental, dans la mesure où les apôtres donnent naissance à l'église, et la soutiennent pendant son développement prénatal. Les apôtres préparent la terre et sèment la semence de l'ekklesia (et cette semence, c'est Christ).

    Comme les apôtres posent les fondement de l'église, ils sont classés premiers (chronologiquement) dans le travail de construction de l'église (Rom. 15:19-20;1 Cor. 3:10; Eph. 2:20). Il est intéressant de noter qu'alors que les apôtres sont premiers en ce qui concerne l'édification de l'église, ce sont les derniers aux yeux du monde --- Math. 20:16;1 Cor.4:9!

    Les prophètes figurent en seconde position sur la liste de Paul. Ceci indique qu'ils suivent immédiatement les apôtres dans leur utilité à la construction de l'église. La fonction du prophète a donné lieu à beaucoup de confusion (et d'abus). Disons rapidement que les prophètes donnent à l'église la vision, et l'encouragement spirituels. Comme les apôtres, les prophètes dévoilent le mystère du dessein de Dieu pour le présent et le futur (Actes 15:32; Eph. 3:4-5). Ils éliminent aussi les mauvaises herbes afin que l'église puisse se développer dans de bonnes conditions.

    En troisième lieu viennent les docteurs (ou enseignants). Ceux-ci suivent les prophètes quant à l'utilité de leur don pour l'édification de l'église. Les enseignants fournissent à l'église des bases doctrinales solides. Ils instruisent vis-à-vis des voies de Dieu. Ils guident les saints dans les temps difficiles.

    Pour continuer la métaphore, on pourrait dire que les enseignants arrosent la semence et fertilisent le sol pour que l'église puisse fleurir et porter des fruits. Pour ce qui est de la chronologie, on observera que l'enseignant ne construit les étages supérieurs de l'église qu'après que les apôtres en ont posé les fondements.

    Cette interprétation de 1 Corinthiens 12:28 s'accorde bien mieux avec la mentalité de Paul que celle d'une structure hiérarchique, où les apôtres seraient supérieurs aux prophètes, et les prophètes supérieurs aux enseignants. Elle met aussi en avant un principe spirituel important, à savoir que l'absence d'autorité hiérarchique n'implique pas une répartition égalitaire des dons!

    Certes, le Nouveau Testament affirme que tous sont doués de dons spirituels et ont un certain ministère, mais il démontre également que Dieu dispense Ses dons de manière variée (1 Cor. 12:4-6). Tous les dons sont utiles au Corps de Christ. Mais certains dons sont plus utiles que d'autres dans leurs sphères respectives (Math. 25:14-15;1 Cor. 12:22-24,31;14:5).

    Cela ne signifie pas que ceux qui possèdent les plus grands dons seraient plus grands en autorité (ou en eux-mêmes) dans un sens formel. Mais Dieu a appelé chacun de nous à une oeuvre différente. Et certains ont des dons plus grands pour des tâches différentes.

    Par exemple, certains sont appelés à fonder des églises. D'autres à évangéliser localement. D'autres encore ont pour don de montrer de la miséricorde. Tous ont des dons et des responsabilités différentes. Certains sont appelés à porter une plus grande responsabilité que d'autres (Rom. 12:6; Eph 4:7).

    Dans la sphère de ses dons, chaque membre est indispensable à l'édification de l'église de manière générale, même ceux dont le don, extérieurement, n'est pas impressionnant (1 Cor. 12:22-25). Par conséquent, chaque chrétien dans le Maison de Dieu est responsable de l'utilisation et de l'accroissement de ses dons. Et les Seigneur nous avertit de ne pas les cacher par crainte (Matt. 25:25).

    En résumé, il est impensalbe que 1 Corinthiens 12:28 puisse indiquer une hiérarchie ecclésiastique quelconque. Le texte a en vue l'ordre chronologique de la construction de l'église. Il ne s'agit pas d'une échelle d'autorité que les chrétiens devraient grimper.

    (4) N'est-il pas enseigné dans Actes 14:23 et Tite 1:5 que les anciens sont établis par les apôtres, et donc qu'ils détiennent une charge ecclésiastique?

    La reconnaissance (ou désignation) apostolique des anciens est tout aussi compatible avec la mentalité fonctionnelle que l'interprétation positionnelle. Dans Tite 1:5, le mot grec traduit par "établir" est kathistemi. Ce mot signifie plutôt "affermir" que "mettre en place".

    Dans Actes 14:23, le mot grec employé, c'est kirotoneo. Il signifie "étendre la main". Ces deux termes comportent l'idée de reconnaître ceux que d'autres ont déjà acceptés. C'est ainsi que ces mots sont employés en dehors du Nouveau Testament, dans la littérature grecque du premier siècle.

    Ensuite, il n'y rien dans les Ecritures qui puisse faire penser que la reconnaissance apostolique conférerait l'autorité. Jamais Paul n'a investi certains d'autorité sur les autres membres de la communauté. C'est le Saint Esprit qui établit les conducteurs (Actes 20:28). Les anciens existent dans l'église avant qu'ils ne soient reconnus extérieurement.

    La reconnaissance apostolique ne fait que rendre publique ce que l'Esprit a déjà accompli. L'imposition des mains est un symbole de communion, d'unité et d'affermissement. Il ne s'agit pas d'une grâce particulière, ni d'une transmission d'autorité. C'est donc une erreur grave que de confondre la reconnaissance biblique avec l'ordination ecclésiastique. L'imposition des mains ne permet pas aux spécialistes religieux de faire ce que ne peuvent faire les autres mortels.

    La reconnaissance biblique n'est rien de plus que l'affermissement extérieur par l'église de ceux que l'Esprit a déjà chargés d'une tâche particulière. C'est un témoignage visible qui reconnaît publiquement ceux qui sont réellement appelés.

    Dans les églises de maison contemporaines, la reconnaissance publique constitue une sorte de cheval de Troie. Il y a des hommes qui ne peuvent supporter cette reconnaissance. Elle leur monte à la tête. Elle gonfle leur ego. Pire encore, elle donne à certains un désir de domination.

    Il ne faut pas oublier qu'au premier siècle, c'étaient les travailleurs itinérants qui reconnaissaient publiquement les conducteurs (Actes 14:23; Tite 1:5). C'est donc à eux de discerner quand et comment les conducteurs doivent être établis. (Les églises de maison modernes devraient relire cette phrase!)

    On ne doit pas imposer à la reconnaissance des conducteurs -- lorsqu'ils émergent -- un moule rigide. Certains fondateurs d'église reconnaissent directement les conducteurs. D'autres le font de manière tacite. (Il n'y a aucun soutien biblique pour les anciens auto-désignés, ou désignés par l'assemblée.)

    Le point le plus important, c'est qu'en associant à la reconnaissance des anciens cérémonies, licences, diplômes de séminaire, acclamation par vote, etc, nous parlons de choses que la Bible ne mentionne pas.

    Il faut garder à l'esprit que dans le Nouveau Testament, le principe de la reconnaissance des anciens existe, mais que la méthode est libre. Il s'agit toujours de reconnaître une fonction dynamique, plutôt que d'instituer un poste fixe.

    De plus, si les anciens sont reconnus par des travailleurs extra-locaux qui connaissent bien l'église, on est en terrain biblique sûr. Cela évite à l'église d'être contrôlée ou manipulée par des dirigeants locaux, qui se désignent eux-mêmes. Etablir autrement les anciens, c'est s'aventurer en dehors des prescriptions bibliques.

    (5) Paul n'emploie-t-il pas le mot "apôtre" comme un titre officiel quand il parle de lui-même?

    Contrairement à ce qu'on pense le plus souvent, les épîtres de Paul indiquent clairement que sa fonction d'apôtre n'avait rien d'officiel. Certes, Paul la rappelle régulièrement, au début de ses lettres. ("Paul, apôtre de Jésus Christ ...") Mais jamais il ne s'identifie comme "L'apôtre Paul".

    C'est là une distinction significative. L'un est la simple description d'une fonction particulière, établie par Dieu. L'autre est un titre officiel.

    D'ailleurs, jamais dans le Nouveau Testament un serviteur de Dieu ne prend pour titre son ministère ou la fonction qu'il exerce dans le Corps. Les chrétiens avides de titres devraient réfléchir sérieusement à cela!

    (6) Ephésiens 4:11 n'envisage-t-il pas un clergé? Il y est écrit: "Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs..."

    Pas du tout. Ephésiens 4 traite des dons qui donnent lieu dans l'église à la diversité de service (12-16). Les dons énumérés dans ce passage sont en réalité des personnes, qui affermissent l'église (8,11). Ce ne sont pas les dons que l'Esprit Saint distribue à chaque individu comme Il veut (1 Cor. 12:11).

    Autrement dit, dans Ephésiens 4, il ne s'agit pas de dons donnés à certaines personnes. Il s'agit d'hommes et de femmes doués qui sont donnés à l'église. Les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs, les docteurs, sont donnés par le Seigneur à Son église, en vue de sa formation, de sa coordination, et de son édification.

    Leur tâche principale, c'est de nourrir la communauté des croyants, afin de leur faire prendre des responsabilités. Leur succès se mesurera à leur capacité à mobiliser les saints pour l'oeuvre du ministère. Ainsi, les dons d'Ephésiens 4 servent à équiper (Grec: katartismos = réparer ou adapter) le Corps pour accomplir le dessein éternel de Dieu.

    Ces dons ne constituent pas des postes. Ce ne sont pas des charges formelles. En grec, ces termes n'ont pas d'article défini. Ce sont simplement des dons constructifs destinés à affermir l'église en cultivant les ministères des frères.

    Les apôtres construisent l'église dans la mesure où ils lui donnent naissance, et lui apprennent à marcher par elle-même. (Nous examinerons en plus de détail la fonction apostolique au chapitre 5.)

    Les prophètes construisent l'église en lui annonçant la parole du Seigneur pour l'heure actuelle. Ils confirment les dons de chacun. Ils préparent l'église pour les épreuves à venir.

    Les évangélistes construisent l'église dans la mesure où ils lui servent de modèles de prédication de la bonne nouvelle aux inconvertis. Les pasteurs/docteurs construisent l'église en cultivant sa vie spirituelle par l'enseignement des Ecritures.

    Entre parenthèses, certains voient pasteurs et enseignants comme deux ministères distincts. D'autres considèrent que ce sont deux aspects d'un même ministère. Le pastorat serait le côté privé de ce ministère, et l'enseignement en serait le côté public.

    Les ministères d'Ephésiens 4 ne correspondent pas aux dirigeants ecclésiastiques. Les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs/docteurs ne sont pas nécessairement des anciens.

    Dans Ephésiens 4:11, il n'est donc pas question d'un clergé payé, d'un ministère professionnel, ni d'une prêtrise quelconque. Et il ne s'agit pas non plus d'une classe particulière de chrétiens. Tout comme la liste des dons, dans 1 Corinthiens 12:28, Ephésiens 4 a en vue des fonctions, et non des postes formels.

    (7) L'emploi du mot "gouverner" dans 1 Corinthiens 12:28 n'indique-t-il pas qu'il y avait dans l'église primitive des charges ecclésiastiques?

    Le mot grec traduit "gouverner" dans la version Louis Second, c'est le nom kubernesis. Selon Gordon Fee, spécialiste du Nouveau Testament, "ce nom apparaît trois fois dans le LXX [l'Ancien Testament grec], où il signifie guider ou conseiller quelqu'un." (La Première Epître aux Corinthiens, NICNT, Eerdmans).

    Cette traduction reflète donc mal le vrai sens de ce mot. Il s'agit vraisemblablement dans ce passage du fait de conseiller sagement l'église, et non les individus.

    Ce mot ne désigne donc en aucun cas une sorte d'administration ecclésiastique officielle. Le seul "gouvernement" que connaisse l'ekklesia, c'est le gouvernement suprême de Jésus Christ (Es. 9:6)! Les conducteurs veillent sur l'église, mais ils ne peuvent aucunement la "gouverner" ni la "diriger". Le mot "gouverner" est donc peu adapté à décrire un don spirituel dans l'église.

    (8) La métaphore du Corps de Christ ne démontre-t-elle pas que l'autorité dans l'église fonctionne de manière hiérarchique? Car pour envoyer un signal à la main, la Tête doit d'abord le transmettre au bras, qui se chargera ensuite de le faire passer à la main. Ainsi, la main doit se soumettre au bras afin d'obéir à la Tête.

    Toute personne ayant une connaissance élémentaire d'anatomie humaine saura que cette description reflète une mauvaise compréhension du fonctionnement du corps humain.

    Le cerveau envoie directement, par le système nerveux, des signaux aux différentes parties du corps qu'il cherche à diriger. Par conséquent, le cerveau contrôle immédiatement et directement toutes les parties du corps. Il ne fait pas passer les impulsions nerveuses par un schéma hiérarchisé, en invoquant une partie du corps par l'intermédiaire d'une autre.

    La tête ne commande pas à la main de dire au pied ce qu'il doit faire. Elle est directement reliée à chaque partie du corps. C'est pourquoi, si l'on applique correctement la métaphore du corps, on préserve la vérité fondamentale qu'il n'y a qu'une seule Autorité dans l'église -- Jésus Christ. Tous les membres de l'église sont sous son gouvernement direct et immédiat.

    La Bible enseigne très clairement que Jésus Christ est le seul médiateur entre Dieu et l'homme (1 Tim. 2:5). Dans l'Ancien Testament il y avait des médiateurs humains, mais sous la Nouvelle Alliance, il n'y a rien de tel. En tant que participants de la Nouvelle Alliance, nous n'avons pas besoin d'un médiateur pour nous dire de connaître le Seigneur. Tous ceux qui sont sous cette alliance peuvent Le connaître directement -- "depuis le plus petit jusqu'au plus grand" (Heb. 8:6-11).

    C'est l'assujettissement mutuel, et non la soumission hiérarchique, qui donne lieu à la bonne coordination du Corps de Christ (ce sujet sera traité plus en détail dans un prochain chapitre).

    (9) Tout corps physique a une tête. Par conséquent, chaque corps local de croyants a besoin d'une tête. S'il n'en a pas, ce sera chaotique. Les pasteurs sont les têtes des églises locales. Ce sont de petites têtes, sous le Gouvernement de Christ, la Tête.

    Cette idée jaillit de l'imagination de l'Homme déchu. Elle n'a aucun soutien biblique. C'est de la pure fantaisie! Jamais la Bible ne se réfère à un homme comme étant la "tête" d'une église. Ce titre appartient exclusivement à Jésus Christ. Lui seul est la Tête de chaque église locale. Par conséquent, ceux qui prétendent être la tête d'une église, supplantent l'autorité suprême de Jésus Christ!

    Objections basées sur les autres documents du Nouveau Testament 

    (1) Hébreux 13:17 nous dit d'obéir et de nous soumettre à nos conducteurs. Cela n'implique-t-il pas que les dirigeants ecclésiastiques possèdent une autorité officielle?

    Encore une fois, le texte grec originel permet de clarifier le problème. Le mot traduit "obéir" dans Hébreux 13:17, ce n'est pas le mot employé généralement dans le Nouveau Testament pour désigner l'obéissance (hupakouo). C'est le mot peitho, qui signifie persuader ou convaincre. Comme ce mot apparaît dans Hébreux 13:17 à la forme passive, ce passage devrait être traduit: "Laissez vous persuader par vos conducteurs."

    C'est une exhortation à donner du poids à l'instruction des travailleurs (ainsi éventuellement que des dirigeants locaux). Il ne s'agit pas de leur obéir aveuglément. Ils doivent persuader, convaincre, et non subjuguer de force. Comme a dit W.E. Vine, "l'obéissance dont il est question [dans Hébreux 13:17], ce n'est pas la soumission à l'autorité, mais celle qui provient de la persuasion".

    De même, le verbe traduit "soumettre" dans certaines versions, c'est le mot "hupeiko". Il signifie céder, se retirer, ou se rendre, comme après une bataille. Ceux qui veillent sur l'église ne doivent pas exiger la soumission. Et nous, nous devons leur accorder un certain respect. Les Ecritures nous encouragent à être particulièrement prompts à écouter ce qu'ils ont à dire. Non pas sur la base d'un poste externe qu'ils occuperaient, mais à cause de leur caractère moral, de leur maturité spirituelle, et de leur service dévoué envers les saints.

    Comme il est dit dans Hébreux 13:7, nous devons "imiter leur foi", en considérant "quelle a été la fin de leur vie." En ce faisant, nous leur facilitons la tâche que Dieu leur a impartie de veiller spirituellement sur l'église (v. 17).

    (2) La Bible enseigne que ceux qui veillent sur les âmes des saints devrons rendre compte à Dieu. Cela ne signifie-t-il pas que ces personnes ont de l'autorité sur les autres?

    Hébreux 13:17 dit que ceux qui veillent sur l'église sont redevables devant Dieu pour cette tâche. A cause de leur grande maturité et de leurs dons spirituels, ils sont tenus responsables devant Dieu du soin qu'ils apportent à leurs frères. Mais rien dans ce texte ne suggère qu'ils auraient une autorité particulière sur les autres chrétiens! (Voir le point précédent.)

    Être redevable devant Dieu n'équivaut pas à posséder de l'autorité. Tous les croyants sont redevables devant Dieu (Matt. 12:36; 18:23; Luc 16:2; Rom. 3:19; 14:12; Héb. 4:13; 13:17; 1 Pierre 4:5). Mais cela ne signifie pas qu'ils auraient de l'autorité sur les autres.

    (3) Jésus n'approuvait-il pas l'autorité officielle lorsqu'il a dit à ses disciples d'obéir aux scribes et aux pharisiens parce qu'ils étaient assis dans "la chaire de Moïse" ?

    Pas du tout. En disant cela des scribes et des pharisiens, Jésus montrait qu'ils prétendaient à l'autorité, alors qu'ils n'en possédaient pas. Dans Matthieu 23:2, il est écrit, "Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse" (Darby).

    Le Seigneur mettait simplement en évidence que les scribes et les pharisiens enseignaient sans autorité extérieure. Ils avaient usurpé de l'autorité sur le peuple (Matt. 23:5-7; Luc 20:46). Jésus ne faisait que le constater, et non l'approuver.

    Le Seigneur a dit clairement que malgré ce qu'ils prétendaient aux yeux des hommes, les scribes et les pharisiens n'avaient absolument aucune autorité (23:11-33). Ils enseignaient la loi de Moïse, mais ils ne la pratiquaient pas (vv. 23:3, 23).

    A la lumière de cela, on ne peut pas prendre le verset 3, qui dit "Faites donc et observez tout ce qu'ils disent ..." comme signifiant qu'Il confirmait leur autorité. Une telle interprétation contredirait totalement le verset suivant (v. 4), ainsi que les nombreux passages où Jésus brise résolument l'autorité de l'enseignement des Pharisiens -- et où il enseigne à ses disciples à faire de même (Matt. 5:33-37, 12:1-4; 15:1-20; 16:6-12; 19:3-9, etc.)!

    Il nous faut plutôt interpréter ce verset par la référence précédente à la "chaire de Moïse". La "chaire de Moïse", c'était en fait une chaise particulière mise à part dans chaque synagogue pour la lecture des Ecritures de l'Ancien Testament.

    Lorsqu'ils étaient assis dans la "chaire de Moïse", ils lisaient uniquement les Ecritures. Or, du fait de l'autorité inhérente aux Ecritures, tout ce qu'ils disaient depuis ce siège avait un caractère exécutoire (indépendamment de l'hypocrisie des lecteurs). Voilà, en essence, ce que disait Jésus. Il cherchait à faire comprendre que même si un enseignant est hypocrite et orgueilleux, ce qu'il lit dans la Bible a de l'autorité.

    Par conséquent, interpréter les paroles de Jésus dans Matthieu 23:2-3 comme étant une approbation de l'autorité officielle, reviendrait à faire de Jésus un partisan de la papauté catholique. Une telle interprétation ne tient pas compte du contexte historique du passage, et ne reflète en rien les Evangiles.

    (4) Le Nouveau Testament grec ne soutient-il pas l'idée que l'église comprend le clergé et la laïcité?

    La dichotomie clergé/laïcité est une faille tragique qui traverse l'Histoire entière de la Chrétienté. Bien que les multitudes aient mis tous leur zèle à la défendre, cette dichotomie est sans fondement biblique.

    Le mot "laïc" dérive du mot grec laos, qui signifie simplement "le peuple". Le mot laos inclut tous les chrétiens. Ce mot apparaît trois fois dans 1 Pierre 2:9-10, où Pierre parle du "peuple (laos) de Dieu." Jamais dans le Nouveau Testament ce mot ne se réfère qu'à une partie de l'assemblée. Il n'a acquis ce sens qu'au troisième siècle.

    Le mot clergé vient du mot grec kleros, qui signifie "un partage ou un héritage". Ce mot est employé dans 1 Pierre 5:3, où Pierre instruit les anciens de ne pas dominer "sur ceux qui [leur] sont échus en partage (kleros)." Il est intéressant de remarquer qu'il n'est jamais employé pour désigner les dirigeants ecclésiastiques. Comme laos, ce mot se réfère au peuple de Dieu. Car ils sont Son héritage.

    Selon le Nouveau Testament, tous les chrétiens sont donc "clergé" (kleros), et tous sont "laïcs" (laos). Nous sommes à la fois l'héritage et le peuple de Dieu. Autrement dit, le Nouveau Testament ne supprime pas le clergé, il fait de tous les croyants des membres de clergé!

    En somme, il n'y a rien du schéma clergé/laïcité, ministre/laïc, dans l'Histoire, l'enseignement ou le vocabulaire du Nouveau Testament. Ce schéma crée une division artificielle. C'est un artifice religieux qui émane de la séparation post-biblique du séculaire et du spirituel.

    Dans la dichotomie séculaire/spirituel, la foi, la prière, le ministère, sont considérés comme appartenant exclusivement à un monde intérieur et sacré. Un monde complètement détaché des réalités de la vie. Cette rupture est cependant totalement étrangère à l'Esprit du Nouveau Testament, où toutes choses sont faites pour la gloire de Dieu. Même les banalités de la vie quotidienne (1 Cor. 10:31).

    (5) Les sept anges des sept églises dans le livre d'apocalypse ne justifient-ils pas la présence d'un seul pasteur dans chaque église locale ?

    Les trois premiers chapitres d'apocalypse ne constituent pas une base très solide pour construire la doctrine du "pasteur unique". Tout d'abord, la référence aux anges de ces églises est cryptique. Jean ne nous indique pas leur identité. Les avis sont partagés quant à leur signification (les uns pensent que ce sont littéralement des anges, d'autres que ce sont des messagers humains).

    Deuxièmement, l'idée du "solo pastor" est sans équivalent dans le Nouveau Testament. Et il n'y aucun texte qui compare les pasteurs à des anges.

    Troisièmement, l'idée que les sept anges seraient "les pasteurs" des sept églises est en opposition directe avec le reste du Nouveau Testament. Par exemple, dans Actes 20:17 et 20:28, on apprend que l'église d'Ephèse avait de nombreux bergers (pasteurs), et non un seul. Ils étaient toujours plusieurs (voir "Rethinking the Winskin").

    Par conséquent, faire dépendre la doctrine du "solo pastor" d'un passage obscur du livre d'Apocalypse, c'est une exégèse négligée et bâclée. Encore une fois, il n'y a aucun soutien biblique pour le système pastoral moderne, ni dans Apocalypse, ni dans le reste du Nouveau Testament.

    Objections tirées de l'Ancien Testament 

    (1) Dans Exode 18, Moïse a mis en place une hiérarchie de dirigeants pour l'aider à guider le peuple de Dieu. N'est-ce pas là un modèle biblique de gouvernement?

    En lisant attentivement ce récit, on découvrira que c'était Jéthro, le beau-père païen de Moïse, qui avait eu cette idée (Exod. 18:14-27). Rien dans la Bible ne suggère que Dieu l'avait approuvée. D'ailleurs, Jéthro avait lui-même avoué qu'il n'était pas certain que Dieu la soutiendrait (Exod. 18:23).

    Plus tard, au cours des voyages d'Israël, le Seigneur a conduit Moïse à prendre une tout autre voie en matière de direction. Il lui a dit de prendre des anciens pour porter le poids de la responsabilité. Et il est intéressant de constater que Moïse a choisi ceux qui fonctionnaient déjà en tant qu'anciens (Num. 11:16).

    Cette façon de faire était biologique et fonctionnelle. Ainsi, c'était très différent de la conception de Jéthro d'une hiérarchie de dirigeants.

    (2) Les personnages éminents de l'Ancien Testament, c'est-à-dire Moïse, Josué, David, Salomon, etc., ne montrent-ils pas que la volonté parfaite de Dieu, c'est d'avoir un seul dirigeant pour son peuple ?

    Non, pas du tout. Moïse, ainsi que tous les autres dirigeants uniques de l'Ancien Testament, sont des images du Seigneur Jésus Christ, et non du pasteur unique moderne, inventé au cours de la Réformation.

    Plus précisément, le rôle de l'évêque monarchique remonte au début du catholicisme. Il provient de l'enseignement de Cyprian de Carthage et d'Ignatius d'Antioche. Mais il n'a été couramment accepté qu'aux troisième et quatrième siècles. Durant la Réformation, le rôle de l'évêque et du prêtre a donné lieu au pasteur protestant.

    Dieu, quant à Lui, a toujours cherché à instaurer une théocratie en Israël. Une théocratie, c'est un gouvernement où Dieu seul est le Roi. S'il est vrai que Dieu s'est soumis au désir charnel du peuple à être gouverné par un roi terrestre, telle n'a jamais été, cependant, Sa volonté parfaite (1 Sam. 8:5-9).

    Certes, le Seigneur a continué de travailler avec Son peuple après l'institution d'une royauté humaine. Mais ils en ont souffert les conséquences amères. De même, Dieu travaille encore aujourd'hui par des systèmes imparfaits. Mais ils limitent toujours le plein accomplissement de Sa volonté.

    Le désir de Dieu pour le peuple d'Israël, c'était qu'il vive et serve directement sous son règne (Ex. 15:18; Nom. 23:21; Deut. 33:5; 1 Sam. 8:7); qu'il soit un royaume de prêtres (Ex. 19:6); et qu'il soit soumis à des hommes vieux et sages (les anciens) en temps de crise (Deut. 22:15-18; 25:7-9).

    Mais ce qu'Israël a perdu dans sa désobéissance, l'Eglise l'a gagné (1 Pierre 2:5,9; Apo. 1:6). Malheureusement, de nombreux chrétiens ont choisi de retourner au système de gouvernement religieux de l'Ancienne Alliance -- bien que Dieu l'ait défait depuis longtemps.

    Ce n'est que par l'habitation de l'Esprit qu'on peut accomplir aujourd'hui la volonté de Dieu par rapport au gouvernement et à l'autorité. Comme on ne pouvait connaître l'habitation de l'Esprit sous l'Ancienne Alliance, Dieu a condescendu aux limitations de Son peuple.

    C'est pourquoi Israël a souvent embrassé des modèles de gouvernement hiérarchiques. Mais, lorsqu'on arrive dans l'ère du Nouveau Testament, on apprend que l'habitation de Christ, c'est l'héritage de tous les enfants de Dieu. Et c'est cet héritage qui soulève l'église au niveau surnaturel de la "prêtrise de tous les croyants." Un niveau où les modèles de gouvernement hiérarchiques, titulaires, et officiels, deviennent obsolètes et contre-productifs.

    (3) Dans Psaume 105:15, le Seigneur dit "Ne touchez pas à mes oints, et ne faites pas de mal à mes prophètes!" Ce verset n'enseigne-t-il pas que certains chrétiens (ex. les prophètes) ont une autorité incontestée ?

    Sous l'Ancienne Alliance, Dieu oignait les prophètes pour qu'ils portent Ses oracles. Parler contre eux, c'était donc parler contre le Seigneur. Mais sous la Nouvelle Alliance, l'Esprit a été répandu sur tout le peuple de Dieu. Tous ceux qui ont reçu Christ (l'Oint) sont oints par l'Esprit Saint (1 Jean 2:27) -- et tous peuvent prophétiser (Actes 2:17-18; 1 Cor. 14:31).

    Ainsi, la prière de Moïse que tout le peuple de Dieu reçoive l'Esprit et prophétise a été accomplie depuis la Pentecôte (Num. 11:29; Actes 2:16-18). Malheureusement, les dirigeants cléricaux, ainsi que ces "prophètes" auto-acclamatoires, ont abusé du Psaume 105:15, et l'ont utilisé pour manipuler le peuple de Dieu, et empêcher toute critique.

    Mais voici la vérité. Puisque tous les chrétiens ont été oints de l'Esprit, tous peuvent prophétiser (Actes 2:17-18; 1 Cor. 14:31). Sous la Nouvelle Alliance, "ne touchez aux oints de Dieu" équivaut à "soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ" (Eph. 5:21). Car l'onction de l'Esprit a été accordée à tous ceux qui ont cru au Messie.

    Par conséquent, "ne touchez pas aux oints de Dieu" s'applique aujourd'hui à chaque chrétien! Nier cela, c'est nier que tous les chrétiens ont reçu l'onction (1 Jean 2:20,27).

    CHAPITRE 3 :
    L'AUTORITÉ ET LA SOUMISSION

    par Frank A. Viola 


    Comme nous l'avons vu, l'idée moderne de "couverture spirituelle" est sans appui biblique. La Bible évoque bien, il est vrai, le problème de l'autorité et de la soumission, mais il est à noter qu'elle verse beaucoup moins d'encre sur ce sujet que sur l'amour et le service mutuels.

    Dès lors que sont maîtrisés dans une église les principes fondamentaux de l'amour et du service, les problèmes d'autorité et de soumission se résolvent d'eux-mêmes (et le plus souvent, ceux qui mettent trop l'accent sur ces choses cherchent plutôt à prendre eux-mêmes une place d'autorité qu'à servir les frères!).

    La Bible donc, même si elle n'en parle pas beaucoup, évoque tout-de-même ces sujets. Et ils sont toujours en rapport avec le ministère mutuel dans l'église, et l'obéissance à Christ -- la Tête de toute autorité.

    En discutant de ces questions, il serait bon d'utiliser uniquement le langage du Nouveau Testament. Le jargon extra-biblique ne fait que compliquer les choses. Il embrouille nos pensées et nos conversations. Si nous nous en tenons à un vocabulaire biblique, nous pourrons y voir plus clair au travers des eaux vaseuses de la tradition humaine.

    La tragédie des mouvements passés. 

    Je vais être assez direct. La plupart de ce qui passe de nos jours pour de "l'autorité spirituelle", c'est de la folie! Le mouvement disciples/bergers des années 1970 illustre bien ce qui peut résulter d'une mauvaise application de l'autorité. Il y avait dans ce mouvement une grande confusion spirituelle, qui il a fini par dégénérer en une forme extrême de manipulation et de contrôle.

    L'une des plus grandes erreurs de ce mouvement, c'était de considérer que la soumission impliquait l'obéissance inconditionnelle. Ils enseignaient aussi, à tort, que Dieu investit certaines personnes d'une autorité indiscutable sur les autres.

    Bien-sûr, les dirigeants de ce mouvement avaient les motifs les plus purs. A aucun moment ils n'avaient envisagé la tournure que prendraient les choses. La plupart d'entre eux se sont depuis repenti d'avoir contribué à y donner naissance. Mais malgré tout, de nombreuses vies ont été dévastées par ce mouvement.

    Souvent, on supportait l'abus spirituel en se disant que Dieu accomplit le bien malgré les erreurs commises par les dirigeants. On enseignait que les "bergers" seraient tenus responsables devant Dieu des mauvaises décisions qu'ils auraient prises. Les "brebis" ne porteraient aucune responsabilité, à condition qu'elles obéissent (aveuglément) à leurs bergers.

    Ainsi, le mouvement a créé un nouveau joug de contrôle, semblable à celui de la caste cléricale. Il étouffait la libre expression de la prêtrise de tous les croyants, et il manifestait cette même domination qui caractérise les sectes. Les soi-disant "bergers" se faisaient représentants de Dieu devant les autres chrétiens, et cherchaient à contrôler les détails les plus intimes de leur vie. Et ce au nom de la "redevabilité biblique".

    Les chrétiens qui avaient fait partie de ce mouvement en sont sortis brisés et désillusionnés. Ils sont devenus méfiants à l'égard de tout semblant d'autorité (certains ont connu des sorts plus cruels). Ceux qui, dans ce mouvement, avaient subi des abus de la part du clergé, ont développé une profonde aversion pour les mots tels que "autorité", "soumission" et "redevabilité." Aujourd'hui encore, ils ont beaucoup de mal à se défaire de l'image déformée de Dieu que cette expérience leur a laissée.

    Il s'en suit que pour beaucoup, le sujet de l'autorité est assez sensible, car il représente un passé très chargé. A tel point que le simple fait d'employer le lexique de l'autorité les met sur la défensive.

    Trente ans plus tard, l'autorité spirituelle reste un sujet émotionnellement chargé et plutôt inflammable. Ainsi, nous abordons un terrain dangereux, malgré la position que nous développerons au cours de ce chapitre.

    N'oubliez pas que ce n'est jamais le simple emploi de mots bibliques qui donne lieu aux enseignements erronés. Ils résultent plutôt de ce qu'on donne à ces mots un sens qu'ils n'avaient pas à l'origine. Par conséquent, on a tellement avilé les mots tels que "l'autorité" et "la soumission" qu'il nous paraît nécessaire de leur redonner un peu d'estime, et d'en dégager les mauvaises connotations qu'ils ont acquises.

    Il ne faut donc pas, pour éviter la fausse doctrine, rejeter les mots bibliques, mais plutôt leur redonner leur sens originel. Autrement dit, nous devons apprendre non seulement à parler de ce dont parle la Bible, mais aussi à en parler comme elle en parle.

    Le conception biblique de la soumission 

    La "soumission" dont il est question dans le Nouveau Testament, c'est une attitude qui consiste à céder volontairement aux conseils ou aux exhortations d'un autre, une attitude de coopération avec l'autre.

    La soumission biblique, ce n'est pas de se laisser contrôler, ni diriger. C'est simplement une attitude consistant à céder aux autres dans la mesure où ils reflètent la pensée du Seigneur.

    La soumission biblique existe, et c'est une chose précieuse. Mais elle doit commencer par ce que Dieu veut, et ce que présume le Nouveau Testament: à savoir, que nous soyons tous, individuellement et collectivement, assujettis à Jésus Christ. Que nous soyons assujettis les uns aux autres dans l'église où nous vivons. Et que nous soyons assujettis aux travailleurs dévoués qui servent le Corps de Christ, et qui se sont montrés fidèles.

    J'insiste sur "qui se sont montrés fidèles", car les faux prophètes et les faux apôtres abondent. C'est la responsabilité des frères locaux que d'examiner ceux qui se disent travailleurs (1 Thess. 1:5; 2 Thess. 3:10; Apo. 2:2). C'est pourquoi, la Bible nous exhorte de nous assujettir à nos dirigeants spirituels, à cause de leur noble caractère et leur service spirituel (1 Cor. 16:10-11,15-18; Phil. 2:29-30; 1 Thess. 5:12-13; 1 Tim. 5:17; Héb. 13:17).

    Considérons Ephésiens 5:21, qui est particulièrement clair :

    " Vous soumettant les uns aux autres dans la crainte de Christ. " 

    Pierre exprime sensiblement la même pensée lorsqu'il dit :

    " Pareillement, vous, jeunes gens, soyez soumis aux anciens, et tous, les uns à l'égard des autres, soyez revêtus d'humilité; car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles."(1 Pierre 5:5, Darby)

    Jamais la Bible n'enseigne l'idée de "couverture protectrice". Au lieu de cela, elle enseigne l'assujettissement mutuel. L'assujettissement mutuel du Nouveau Testament se base sur le fait que tous les croyants aient reçu certains dons, et qu'ainsi, tous soient en mesure d'exprimer Christ. Nous devons donc être soumis les uns aux autres.

    Le principe de l'assujettissement mutuel découle également de la révélation du Corps de Christ. C'est-à-dire que le Corps tout entier a été investi de l'autorité Divine, et non pas une section particulière (Matt. 18:15-20; 16:16-19; Eph. 1:19-23). L'ekklesia de Dieu, c'est une société théocratique, où l'autorité Divine est répandue sur tous ceux qui possèdent l'Esprit.

    Dieu n'a délégué son pouvoir à aucun individu, ni à aucune section de l'Eglise. Son autorité réside dans la communauté toute entière. Lorsque les croyants exercent leurs ministères respectifs, l'autorité spirituelle leur est dispensée à travers les dons de l'Esprit.

    Au fond, l'assujettissement mutuel demande que nous soyons conscients de faire partie de quelque chose de plus grand que nous-mêmes -- un Corps. Nous devons aussi reconnaître que nous sommes, en nous-mêmes, incapables d'accomplir pleinement le dessein de Dieu.

    L'assujettissement mutuel se fonde sur l'affirmation humiliante mais bien véridique, que nous avons besoin de la contribution de chacun des membres. Il reconnaît que nous ne pouvons être de bons Chrétiens tous seuls. Ainsi, l'assujettissement mutuel est indispensable à une vie chrétienne normale.

    L'assujettissement mutuel implique que vous acceptez que le Seigneur vous reprenne par le biais de n'importe quel croyant; que vous acceptez la réprimande et le châtiment (venant du Seigneur) quelle que soit la main qui tienne le fouet; que vous acceptez que d'autres vous parlent par rapport à votre vie.

    La conception Divine de l'autorité. 

    L'autorité va de pair avec la soumission. L'autorité, c'est le privilège, accordé par Dieu, de faire une certaine action. Dans le Nouveau Testament, le mot qui s'approche le plus de notre mot "autorité", c'est exousia. Ce mot dérive du mot exestin, qui désigne une action possible et juste qui peut être menée sans obstacle.

    L'autorité (exousia) est en rapport avec l'interprétation et la communication du pouvoir. Plus précisément, l'autorité, c'est le droit de faire une certaine action. Les Ecritures enseignent que Dieu seul est la source de toute autorité (Rom. 13:1). Et cette autorité a été investie en Son fils (Matt. 28:18; Jean 3:30-36; 17:2).

    Seul Jésus Christ possède de l'autorité. Le Seigneur a dit clairement : "Toute autorité m'a été donnée dans les cieux et sur la terre." En même temps, Dieu a délégué Son autorité aux hommes et aux femmes dans ce monde, pour accomplir certains buts précis.

    Par exemple, dans l'ordre naturel, Dieu a institué diverses sphères où s'exerce Son autorité (Eph. 5:22-6:18; Col. 3:18-25). Il a établi certaines "autorités officielles" qui ont pour but de maintenir l'ordre sous le soleil. Les officiers gouvernementaux, tels que les rois, les magistrats et les juges, reçoivent cette autorité (Jean 19:10,11; Rom. 13:1; 1 Tim 2:2; 1 Pierre 2:13-14).

    L'autorité officielle, c'est l'autorité revêtue par un poste fixe. Elle fonctionne indépendamment des personnes qui occupent le poste. C'est une autorité fixe, positionnelle. Aussi longtemps que la personne détient le poste, elle possède l'autorité.

    Lorsque l'autorité est déléguée à quelqu'un, cette personne devient elle-même, dans une certaine mesure, "une autorité". C'est pour cette raison que les chrétiens sont tenus d'être soumis aux dirigeants gouvernementaux -- indépendamment de leur caractère (Rom. 13:1; 1 Pierre 2:13-19).

    Le Seigneur Jésus, ainsi que Paul, manifestèrent un esprit de soumission lorsqu'ils se trouvèrent en présence de l'autorité officielle (Matt. 26:63-64; Actes 23:2-5). Nous de même, nous devons toujours être soumis à de telles autorités. La rébellion et le mépris de l'autorité sont le fruit d'une nature pécheresse (2 Pierre 2:10; Jude 8). Cela dit, la soumission et l'obéissance sont deux choses très différentes, qu'il ne s'agirait pas de confondre.

    La soumission et l'obéissance. 

    En quoi la soumission diffère-t-elle de l'obéissance? La soumission est une attitude. L'obéissance est une action. La soumission est absolue. L'obéissance est relative. La soumission est inconditionnelle. L'obéissance est conditionnelle. La soumission est interne. L'obéissance est externe.

    Dieu nous demande d'avoir un esprit d'assujettissement envers ceux qu'il a placés, selon l'ordre naturel, dans une position d'autorité. Mais ce n'est pas pour autant que nous devons leur obéir s'ils nous ordonnent de faire des choses qui vont à l'encontre de Sa volonté. Car l'autorité de Dieu est plus élevée qu'aucune autorité terrestre.

    Cependant, il est possible de désobéir tout en étant soumis. On peut désobéir à une autorité terrestre tout en maintenant un esprit humble et assujetti. On peut désobéir tout en ayant une attitude de respect et de révérence, par opposition à l'esprit de rébellion et de mépris (1 Tim. 2:1-2; 2 Pierre 2:10; Jude 8).

    La désobéissance des sages-femmes israélites (Exode 1:17); les trois jeunes hébreux (Dan. 3:17-18); Daniel (Dan. 6:8-10); et les apôtres (Actes 4:18-20; 5:27-29) illustrent tous ce principe spirituel. Ils étaient soumis aux autorités officielles, mais ils ont désobéi lorsque celles-ci se sont opposées à la volonté de Dieu.

    Bien que Dieu ait établi une autorité officielle dans l'ordre naturel, Il n'en a pas instauré dans l'Eglise pour autant. C'est pourquoi Paul ne mentionne pas les dirigeants ecclésiastiques lorsqu'il traite des sphères d'autorité dans Ephésiens 5-6 et Colossiens 3.

    Il est vrai que Dieu a accordé aux croyants l'autorité (exousia) de mener certaines actions. Parmi elles, l'autorité de devenir enfants de Dieu (Jean 1:12); d'avoir des possessions (Actes 5:4); de choisir entre le mariage et le célibat (1 Cor. 7:37); de décider ce qu'ils mangeront et ce qu'ils boiront (2 Cor. 10:8; 13:10); de recevoir des bénédictions particulières en rapport avec certains ministères (1 Cor. 9:4-18; 2 Thess. 3:8-9); de gouverner les nations et de manger de l'arbre de la vie dans le royaume à venir (Apo. 2:26; 22:14).

    Mais jamais la Bible n'enseigne que Dieu a donné aux croyants l'autorité (exousia) sur les autres croyants! Souvenez-vous des paroles du Seigneur dans Matthieu 20:25-26 et Luc 22:25-26, où il avait condamné ce type d'autorité parmi ses disciples. Ce fait devrait suffire à nous faire réfléchir sérieusement.

    Par conséquent, il est illogique que de suggérer que les dirigeants de l'Eglise auraient le même type d'autorité que les dirigeants de ce monde. Encore une fois, dans le Nouveau Testament les dirigeants ecclésiastiques ne sont jamais revêtus d'une telle autorité (exousia). Et à aucun moment il n'est écrit que certains croyants pourraient exercer une telle autorité sur les autres croyants.

    Bien-sûr, l'ancien Testament parle des prophètes, des prêtres, des rois et des juges comme étant des autorités officielles. Cela vient de ce que ces "postes" étaient une ombre du ministère du Seigneur Jésus Christ Lui-même. Christ est le vrai Prophète, le vrai Prêtre, le vrai Roi, le vrai Juge. Mais jamais le Nouveau Testament ne décrit un dirigent ecclésiastique comme étant une autorité officielle.

    En fait, l'idée que des chrétiens pourraient avoir de l'autorité sur d'autres chrétiens montre ni plus ni moins une exégèse erronée. En tant que telle, elle est sans appui biblique. Lorsqu'un dirigent ecclésiastique exerce le même type d'autorité que les officiers gouvernementaux, c'est un usurpateur!

    Il est vrai qu'il s'exerce aussi, dans l'Eglise, une certaine autorité. Mais elle est fondamentalement différente de celle du monde naturel. Ceci n'a de sens que dans la mesure où l'église n'est pas une organisation humaine, mais un organisme spirituel. L'autorité qui s'y exerce n'est pas une autorité officielle; c'est une autorité biologique.

    L'autorité officielle et l'autorité biologique. 

    Qu'est-ce que l'autorité biologique? C'est l'autorité qui émane de la vie spirituelle. L'autorité biologique, c'est une autorité qui se communique. C'est-à-dire que si quelqu'un communique la vie de Dieu, par ses paroles ou par ses actions, il a l'approbation et le soutien du Seigneur Lui-même.

    De par le fait qu'ils ont la vie de l'Esprit, tous les chrétiens possèdent une mesure d'autorité biologique. C'est pourquoi le Nouveau Testament nous exhorte à nous soumettre les uns aux autres dans la crainte du Seigneur. Mais ceux qui ont une plus grande expérience de Christ exprimeront plus abondamment Sa pensée que ceux qui sont encore immatures et charnels (Héb. 5:14).

    L'autorité biologique se fonde uniquement sur la direction donnée par Christ au moment présent, et non sur un poste fixe. L'autorité biologique n'est pas liée à une charge ni à une personne particulière. Elle ne réside pas dans l'homme lui-même, ni dans la position qu'il détient (comme c'est le cas de l'autorité officielle).

    L'autorité biologique est en dehors de l'individu, car elle appartient à Christ. Une personne ne peut exercer l'autorité que dans la mesure où il se laisse diriger par Christ dans ses paroles et dans ses actions. Autrement dit, on ne doit écouter et obéir à une personne que lorsqu'elle reflète la pensée du Seigneur. L'autorité biologique est donc obtenue de Christ, et communiquée par Lui aux hommes.

    La nature communicative de l'autorité biologique se comprend lorsqu'on la considère dans le cadre de la métaphore du Corps que dresse Paul pour décrire l'Eglise. Lorsque la Tête (la source de toute autorité) signale à la main de se déplacer, la main possède l'autorité de la Tête. La main, cependant, n'a en elle-même aucune autorité. Elle n'a de l'autorité que lorsqu'elle agit en accord avec ce que lui a communiqué la Tête. La main n'est une autorité que dans la mesure où elle représente la volonté de la Tête.

    Remarquez que le mouvement de la tête physique par rapport au corps physique est biologique. Il se base sur les principes naturels de la vie d'un organisme physique. Il en est de même dans le spirituel. Les croyants ne possèdent l'autorité spirituelle que lorsqu'ils expriment Christ, par leurs paroles et par leurs actions.

    L'autorité biologique est donc flexible et fluide. Elle n'est pas figée. Elle est transmise par Christ dans chaque situation. Elle se base sur la vie et le service spirituels. C'est n'est donc pas une possession irrévoquable.

    Cela explique que l'autorité de Pierre et de Jacques, ainsi que de Paul et de Barnabas, ait fluctué (Actes 1:15; 2:14; 12:17,25; 13:2,7,13; 15:2,7,13,22). Puisque l'autorité biologique n'est pas instituée, mais transmise ponctuellement, on ne peut ni donner ni hériter de l'autorité de Dieu.

    Un croyant ne peut pas s'y substituer, ni la posséder en lui-même. Il ne fait que la représenter. C'est là une distinction très importante. Et faute de la reconnaître clairement, il y a eu une grande confusion de de nombreux abus parmi le peuple de Dieu.

    Il est important, lorsqu'on discute d'autorité spirituelle, de mettre toujours l'accent sur la fonction et le service, et non sur une quelconque "spiritualité". Prétendre à l'autorité sur la base de sa spiritualité, ce n'est pas très différent de s'établir soi-même une autorité officielle. Car sous une telle proclamation se cache une "charge ecclésiastique".

    En effet, si un homme est réellement spirituel, sa spiritualité se manifestera par sa vie, par son service, et par son écoute du Seigneur. A ces critères seulement on pourra discerner la vraie spiritualité, jamais on ne peut se baser sur les affirmations de la personne concernée. Ainsi, si on maintient l'accent sur le service et la fonction, on pourra éviter à une église qui se rassemble dans la simplicité du Nouveau Testament d'être emportée par un homme, et de dégénérer en un culte de sa personnalité.

    Une comparaison utile. 

    Il serait bon d'isoler les différences majeures entre l'autorité officielle et l'autorité biologique.

    1. Il faut obéir aux autorités officielles, à condition que ce qu'elles exigent ne soit contraire à la volonté d'une autorité plus haute (Actes 5:29). Le Nouveau Testament dit aux enfants d'obéir à leurs parents (Eph. 6:1; Col. 3:20), aux citoyens d'obéir à leurs gouverneurs (Tite 3:1), et aux esclaves d'obéir à leurs maîtres (Eph. 6:5; Col. 3:22).

    Ceux qui exercent une autorité biologique, au contraire, n'exigent jamais qu'on leur obéisse. Ils cherchent plutôt à persuader les autres à obéir à la volonté de Dieu. C'est pourquoi Hebreux 13:17 nous exhorte à nous laisser persuader par nos dirigeants.

    On le voit aussi dans les lettres de Paul, qui résonnent d'exhortations et d'appels. Le langage est essentiellement persuasif. (Nous reviendrons sur ce point.)

    2. Les autorités officielles détiennent la pleine responsabilité de ceux qui les suivent lors d'une mauvaise décision. Dans Nombres 18, on apprend que le fardeau de l'iniquité du peuple retombait sur le dos des sacrificateurs. Car c'étaient les autorités officielles du pays d'Israël.

    L'autorité biologique, quant à elle, n'annule jamais la responsabilité des autres. Dans l'Eglise, les croyants sont tenus responsables de leurs actions, même lorsqu'ils ne font qu'obéir aux conseils d'un autre.

    C'est pourquoi les Ecritures nous incitent maintes fois à éprouver le fruit des autres. Elles enseignent aussi que la séduction entraîne le jugement Divin (Matt. 7:15-27; 16:11-12; 24:4-5; 1 Cor. 14:29; Gal. 1:6-9; 2:4; Phil. 3:2-19; 1 Thess. 5:21; 1 Tim 2:14; 1 Jean 3:4-10; 4:1-6). Jamais le Nouveau Testament n'enseigne que si un chrétien obéit à quelqu'un d'autre, il ne serait plus responsable de ses actions.

    3. Ceux qui possèdent l'autorité officielle peuvent être moins matures, moins spirituels, et moins justes que ceux sur qui ils exercent l'autorité. L'autorité biologique, au contraire, est directement liée à la maturité spirituelle, et ne peut en être séparée.

    Nous disons souvent à nos enfants "obéissez à vos aînés" parce que ceux qui sont plus âgés (dans la vie naturelle), ont tendance à être plus mûrs dans leurs conseils. Ils méritent donc le respect et la soumission (1 Pierre 5:5). Il en est de même dans le spirituel.

    Ceux qui sont allés plus loin dans la vie spirituelle portent une plus grande mesure d'autorité biologique. (Ainsi, on ne peut exercer l'autorité biologique que lorsqu'on est soi-même soumis à l'autorité de Dieu.) Et la maturité spirituelle se manifeste par un esprit de servitude et une humilité d'enfant. Considérez attentivement les textes suivants, qui nous exhortent à honorer ceux qui manifestent ces deux caractéristiques :

    Or, je vous exhorte, frères -- (vous connaissez la maison de Stéphanas, qu'elle est les prémices de l'Achaïe, et qu'ils se sont voués au service des saints,) -- à VOUS SOUMETTRE, VOUS AUSSI, A DE TELS HOMMES ET A QUICONQUE COOPÈRE A L'OEUVRE ET TRAVAILLE. Or je me réjouis de la venue de Stéphanas, et de Fortunat, et d'Achaïque, parce qu'ils ont suppléé à ce qui a manqué de votre part; car ils ont récréé mon esprit et le vôtre : RECONNAISSEZ DONC DE TELS HOMMES. " (1 Cor. 16:15-18, Darby)

    Recevez-le donc [Epaphrodite] dans le Seigneur avec une entière joie, et HONOREZ DE TELS HOMMES. CAR C'EST POUR L'OEUVRE DE CHRIST QU'IL A ETE PRES DE LA MORT, AYANT EXPOSE SA VIE ... " (Phil. 2:29-30)

    Or nous vous prions, frères, de CONNAITRE CEUX QUI TRAVAILLENT PARMI VOUS, et qui sont à la tête parmi vous dans le Seigneur, et qui vous avertissent, et de LES ESTIMER TRES HAUTEMENT EN AMOUR A CAUSE DE LEUR OEUVRE ... " (1 Thess. 5:12-13, Darby)

    Que les anciens qui dirigent bien SOIENT JUGES DIGNES D'UN DOUBLE HONNEUR, SURTOUT CEUX QUI TRAVAILLENT A LA PREDICATION ET A L'ENSEIGNEMENT ... Ne reçois pas d'accusation contre un ancien, si ce n'est sur la déposition de deux ou de trois témoins. " (1 Tim. 5:17,19)

    Souvenez-vous de vos conducteurs QUI VOUS ONT ANNONCE LA PAROLE DE DIEU; CONSIDEREZ QUELLE A ETE LA FIN DE LEUR VIE, ET IMITEZ LEUR FOI. (Heb. 13:7)

    Obéissez à [en grec: soyez persuadés par] vos conducteurs et SOYEZ SOUMIS, CAR ILS VEILLENT POUR VOS AMES, COMME AYANT A RENDRE COMPTE; afin qu'ils fassent cela avec joie, et non en gémissant, car cela ne vous serait pas profitable. (Heb. 13:17, Darby)

    " De même, vous qui êtes jeunes, soyez soumis aux anciens ..." (1 Pierre 5:5)

    Il est donc clair que le Nouveau Testament nous exhorte à donner un certain poids aux conseils de ceux qui travaillent sans relâche dans le service spirituel. Mais ce respect est spontané et instinctif. Il ne doit jamais être formalisé, ni devenir une obligation absolue.

    Les critères bibliques d'un modèle spirituel sont toujours fonctionnels, jamais formels. Tout en respectant et honorant le service de ceux qui déposent leur vie pour les frères, on ne devrait jamais les séparer formellement du reste de la communauté de croyants. (C'est là que s'égarent ceux qui promulguent la doctrine de la "couverture spirituelle"!)

    En effet, l'honneur que reçoit un croyant de la part de l'église doit toujours être mérité, jamais exigé ni affirmé. C'est ainsi que ceux qui sont réellement spirituels ne proclament jamais leur autorité spirituelle sur les autres. Ils ne se vantent pas de leur travail ni de leur maturité spirituels. D'ailleurs, ceux qui proclament de telles choses ne font que prouver leur immaturité! Celui qui déclare qu'il est "L'oint et l'homme fort de Dieu pour l'heure actuelle" -- ou d'autres accolades similaires -- ne démontre qu'une chose: qu'il n'a aucune autorité spirituelle!

    4. Les autorités officielles détiennent l'autorité jusqu'à temps qu'ils soient déchus de leurs fonctions. Tant qu'ils occupent leur poste, ils possèdent l'autorité, que leurs décisions soient sages et justes ou non. Par exemple, le Roi Saül a maintenu son autorité aussi longtemps qu'il était son le trône d'Israël -- même après que l'Esprit de Dieu l'avait quitté (1 Sam. 16:14; 24:4-6)!

    L'autorité biologique, elle, ne peut opérer que lorsque Christ est exprimé. Si donc un croyant incite l'église à faire quelque chose qui ne reflète pas la volonté de la Tête (même si cela ne viole aucune loi explicite de Dieu), il n'a aucune autorité. Seul Jésus Christ détient l'autorité. Et ne peut porter de l'autorité, que ce qui coule de Sa vie.

    5. Les autorités officielles forment quasiment toujours une hiérarchie. L'autorité biologique ne peut pas être hiérarchisée (Matt. 20:25-28; Luc 22:25-27). Lorsqu'on tente d'établir l'autorité biologique sous forme de hiérarchie, elle finit toujours par être déformée, et entraîner des abus. En fait, elle cesse alors d'être biologique, spontanée, et elle redevient formelle et officielle. Comme nous l'avons vu, la Bible ne parle jamais en termes de hiérarchie. Car la hiérarchie fait toujours injure au peuple de Dieu.

    En résumé, l'autorité biologique ne coule pas de haut en bas, et ne s'appuie sur aucune hiérarchie. Et en même temps, elle ne coule pas non plus de bas en haut, c'est-à-dire de l'église vers la personne. Car même si l'église décide de donner à quelqu'un l'autorité de faire une certaine tâche, elle n'a elle-même l'autorité pour le faire que si elle est en conformité avec la pensée de Christ.

    L'autorité biologique coule de l'intérieur vers l'extérieur. Lorsque l'Esprit de Christ pousse un croyant ou une église à parler ou à agir, ils ont l'autorité de la Tête! Lui seul, de tout l'univers, a de l'autorité. Jésus Christ, manifesté au travers de Son Esprit, est la source unique de toute autorité.

    En fait, tous les problèmes d'autorité qui s'élèvent dans l'église moderne sont dus à une application simpliste des structures d'autorité officielle aux relations spirituelles. C'est une erreur grave que de chercher à reproduire l'autorité officielle du monde, au sein de l'assemblée chrétienne -- ou dans tout autre domaine où l'on a affaire à des relations biologiques, organiques (tel que le mariage).

    L'assujettissement mutuel se fait toujours dans le cadre de l'amour. 

    Lorsque quelqu'un exprime l'autorité biologique dans l'église, il est important de le reconnaître. Se rebeller contre cette autorité, c'est se rebeller contre Christ. Car il n'y a d'autorité que celle venant de Jésus Christ. Par conséquent, rejeter les paroles d'un homme, alors qu'elles expriment la pensée de Dieu, c'est rejeter Son autorité suprême.

    On s'assujettit donc les uns aux autres par soumission envers Dieu, mais aussi par amour. L'amour est toujours ouvert à la réprimande, toujours prêt à écouter ce qu'un autre a à dire. En même temps, l'amour est prêt aussi à reprendre les autres lorsqu'ils chancellent.

    L'amour rejette l'esprit d'individualisme, ainsi que toute quête de réussite ou de gloire personnelles. Il préfère l'interdépendance du Corps. L'amour se rend bien compte que, parce que nous sommes membres les uns des autres et que nous avons le même patrimoine spirituel, nos actions ont un impact profond sur les autres. L'amour déplore l'individualisation, la privatisation du christianisme. Mais il affirme son besoin des autres membres en Christ.

    L'amour est parfois doux et gentil. Mais lorsqu'il se trouve face à l'abomination du péché, il sait être interrogatif, belliqueux et inflexible. L'amour est patient, respectueux, doux. Il n'est jamais véhément, dictatorial, et ne cherche pas à rabaisser les autres. L'amour répudie les prétentions orgueilleuses à l'autorité. Il est profondément marqué d'humilité.

    L'amour n'est pas mou et sentimental, mais perçoit et discerne avisément. L'amour cherche à employer ses ressources pour aider les autres. Jamais il ne les manipule ni ne leur impose sa propre volonté. Jamais l'amour n'exige, ni ne contraint, ni n'oblige.

    L'amour nous pousse à accepter la responsabilité d'être "le gardien de notre frère." Mais il nous interdit de trop nous ingérer dans sa vie privée. En effet, nous sommes appelés à représenter la volonté du Saint Esprit les uns aux autres. Mais nous ne sommes jamais appelés à nous substituer à Lui, ni à effectuer Son travail!

    L'assujettissement mutuel ne nous autorise donc pas à nous introduire dans les affaires intimes de notre frère pour "nous assurer" qu'il poursuit bien sa marche! Jamais la Bible ne nous donne la liberté de questionner nos frères sur leurs investissements financiers, leur amour conjugal, ni aucun autre domaine intime de leur vie.

    C'est sur ce genre d'interrogation inutile -- pratiquée au nom de la "redevabilité" -- que se fondent les sectes autoritaires. De telles choses finiront inévitablement par créer un esprit de conformisme dans l'église. (Bien-sûr, si un croyant cherche volontairement à confier de telles affaires personnelles à un autre, c'est différent. Mais c'est un choix, et non un devoir.)

    Il ne faut jamais oublier que la Bible insiste beaucoup sur la liberté individuelle de chaque chrétien et son droit à un domaine privé (Rom. 14:1-12; Gal. 5:1; Col. 2:16; Ja. 4:11-12). Les croyants doivent donc avoir beaucoup de respect pour ces choses. Tant qu'il n'y a pas de bonnes raisons de penser qu'un frère ou une soeur sont en train de commettre un péché grave, il ne relève pas d'un esprit chrétien que de chercher à tout prix à s'introduire dans leurs affaires domestiques.

    Le Nouveau Testament nous avertit de ne pas nous "ingérer dans les affaires d'autrui" (1 Tim. 5:13; 1 Pierre 4:15). D'un autre côté, le croyant qui se trouve dans un état spirituel sérieux -- qui lutte avec un péché grave -- doit à la fois chercher et accepter l'aide de l'église.

    En somme, parce que l'assujettissement mutuel se fait dans le cadre de l'amour, il donne lieu à une grande sécurité spirituelle. Il ne cherche pas à contrôler, mais à aider. Il n'est pas figé ni immobilisé par un système formel. Il n'est pas officiel, légal, ni mécanique. Il est fonctionnel, biologique, et spontané. Dès lors qu'on en fait une institution humaine, il y a danger -- quelque nom qu'il puisse porter. En tant que chrétiens, nous avons un instinct spirituel qui nous pousse à nous soumettre à une autorité spirituelle. Et il est dans l'intérêt de toute l'église que nous suivions cet instinct.

    En écoutant les conseils des autres sur notre vie, nous ouvrons la porte à l'encouragement, la motivation, et la protection du Seigneur. C'est pourquoi le livre des Proverbes répète fréquemment que "le salut est dans le grand nombre des conseillers" (Prov. 11:14; 15:22; 24:6). L'amour, donc, est le parapluie divin, qui offre la protection spirituelle. Mais, heureusement, il est plus grand que les coeurs de certains qui en sont couverts. Enfin, l'amour seul a le pouvoir de "couvrir" (Prov. 10:12; 17:9; 1 Pierre. 4:8).

    Le coût de l'assujettissement mutuel. 

    L'assujettissement mutuel est radicalement différent de la subordination inconditionnée aux structures autoritaires. En même temps, il ne faut pas confondre l'assujettissement mutuel avec cette "tolérance" très individualiste, et moralement molle qui marque la pensée post-moderne.

    L'assujettissement mutuel coûte cher. Autant se l'avouer. Notre ego n'aime pas être soumis à un autre! En tant que créatures déchues que nous sommes, nous voulons faire ce qui est bien à nos propres yeux -- sans que d'autres s'y mêlent.

    Par conséquent, la tendance à rejeter l'autorité biologique est profondément ancrée dans notre nature Adamique (Rom. 3:10-18). Recevoir la correction et la réprimande de la part d'un autre mortel, constitue une croix très difficile à porter (Prov. 15:10; 17:10; 27:5-6; 28:23). C'est pourquoi l'assujettissement mutuel sert d'antidote aussi bien à notre chair rebelle, qu'à notre culture pervertie.

    Exercer l'autorité spirituelle n'est pas moins douloureux. Pour la plupart, il est à la fois difficile et risqué de corriger les autres. Les Ecritures nous disent qu'un frère offensé est plus difficile à gagner qu'une ville forte (Prov. 18:19)! Du coup la difficulté qu'il y a à reprendre quelqu'un, et la crainte d'une confrontation, font qu'il est souvent très douloureux pour notre chair que d'exprimer l'autorité du Seigneur, conformément à Sa volonté.

    C'est beaucoup plus facile de laisser aller, ou de simplement prier pour notre frère égaré, que de véritablement le confronter, dans l'amour.

    En fait, tout ceci nous ramène au fait que l'amour doit diriger toutes nos relations les avec les autres. Car si nous aimons nos frères, nous serons prêts à écouter leurs conseils, et nous accepterons leur réprimande. De même, l'amour nous poussera à aller voir notre frère, dans un esprit de douceur et d'humilité, chaque fois qu'il a besoin de notre aide (Gal. 6:1; Jacques 5:19-20). Au fond, la voie de l'amour, c'est toujours celle de la croix.

    L'importance de connaître Dieu en tant que Communauté. 

    Comme l'assujettissement mutuel se fonde sur l'amour, il trouve son origine dans la nature-même de la Divinité. Dieu, par sa nature, est Communauté. Le Dieu unique est en fait une communauté de trois Personnes, qui, d'éternité en éternité, partagent leur vie ensemble. (Historiquement, cette vérité a été connue sous le nom de "la Trinité".)

    Au sein de la Divinité, le Père se verse dans le Fils, et le Fils, à Son tour, se donne au Père sans réserve. Et l'Esprit, le Médiateur, leur transmet leur amour l'un à l'autre. Dans cette communauté Divine, il n'y a aucune hiérarchie. Il n'y que la communion mutuelle, l'amour mutuel, et la soumission mutuelle. (Jean 14:28 et 1 Cor. 11:3 ne contredisent pas ce principe. Ces textes ont en vue la soumission volontaire du Fils envers le Père, dans le cadre de leur relation d'assujettissement mutuel.)

    Le partage mutuel qui a lieu continuellement au sein de la Divinité, c'est le fondement de l'amour. C'est d'ailleurs à cause de cela que Jean a pu dire "Dieu est amour" (1 Jean 4:8). Si Dieu n'était pas Communauté, il n'y aurait eu personne, avant la création, qu'Il ait pu aimé. Car l'amour implique la présence d'au moins deux personnes.

    L'église, c'est la communauté du Roi. En tant que telle, elle est appelée à connaître, parmi ses membres, cet amour divin. Il n'y a pas de hiérarchie dans la Divinité. Il en est de même pour l'ekklesia. Entre ses murs, il n'y a que l'assujettissement mutuel, gouverné par l'amour mutuel. Cela vient de ce que l'Eglise vit d'une vie Divine -- cette même vie qu'il y a au sein de la Divinité (Jean 6:57; 17:20-26; 2 Pierre 1:4).

    Le Nouveau Testament utilise assez explicitement le modèle de la famille pour décrire l'église. L'église est comme une famille étendue. Une communauté de croyants qui vivent ensemble, qui partagent les fardeaux les uns des autres, qui confessent leurs péchés les uns aux autres, et qui discutent ensemble des décisions imminentes. Dans l'environnement familial de l'église, l'assujettissement mutuel crée l'unité. Il construit l'amour. Il donne la stabilité. Il incite à la croissance. Et il donne un sens plus profond à la vie chrétienne.

    Autrement dit, la vie chrétienne n'était jamais faite pour être vécue en dehors d'une telle communauté. Et on ne peut la vivre pleinement que dans un tel environnement. L'ekklesia -- la communauté du Roi -- c'est l'habitat naturel du chrétien.

    Dans les hiérarchies, au contraire, la soumission et la redevabilité sont légalistes, et punitives. Elles donnent lieu à la domination et à la manipulation -- choses étrangères à l'église primitive.

    Ainsi, l'assujettissement mutuel protège l'église de la domination cléricale, car il met l'accent sur le pouvoir "pour", et le pouvoir "parmi", plutôt que le pouvoir "sur". Il encourage le pouvoir de tous plutôt que le pouvoir de quelques-uns. Les relations plutôt que le programme. Les liens, plutôt que le détachement. La proximité plutôt que l'isolation. La participation plutôt que le spectacle. L'organisme plutôt que l'organisation. L'unité plutôt que la fragmentation. La solidarité plutôt que l'individualisme. La servitude plutôt que la domination. L'interdépendance plutôt que l'indépendance. L'enrichissement plutôt que l'insécurité.

    Tandis que notre culture prône l'autosuffisance, l'individualisme et l'indépendance, ces choses sont incompatibles avec l'église du Nouveau Testament. Comme Dieu est Communauté, Ses enfants sont faits pour vivre en communauté. C'est à cela que nous appelle notre nouvelle nature (par la régénération).

    Nous chrétiens nous ne sommes pas des êtres isolés. Comme le Dieu Trinitaire en l'image duquel nous avons été créés, nous sommes une espèce communautaire (Eph. 4:24; Col. 3:10). Ce sont les relations profondes avec ceux de notre espèce qui constituent notre vie. La doctrine moderne de la "couverture spirituelle" obscurcit cette révélation fondamentale. L'assujettissement mutuel la met nettement en relief.

    Autrement dit, la nature Trinitaire de Dieu sert à la fois de source et de modèle pour la communauté humaine. Et c'est dans la relation d'amour de la Divinité que le principe de l'assujettissement mutuel est pleinement accompli.

    L'assujettissement mutuel n'est donc pas une idée humaine. Elle provient de la nature communautaire du Dieu Eternel. Et c'est cette nature que l'ekklesia est appelée à porter. Ainsi, l'assujettissement mutuel nous permet l'entrevoir le visage de Christ dans l'étoffe et la texture-même de la vie d'église.

    On pourrait résumer la position développée dans ce chapitre concernant l'autorité et la soumission, en disant, dans les mots d'un autre auteur : "Cette position donne plus d'autorité à l'église que n'en donne Rome, fait davantage confiance au Saint Esprit que les Pentecôtistes, respecte plus l'individu que l'humanisme, s'attache plus aux principes moraux que le puritanisme, et elle est plus ouverte à la situation présente que 'La Nouvelle Moralité.'"

    CHAPITRE 4 :
    LA COUVERTURE DÉNOMINATIONNELLE

    par Frank A. Viola 


    Le système dénominationnel moderne a rendu acceptable la division dans le Corps de Christ. Beaucoup de chrétiens croient que les dénominations les protègent de la fausse doctrine. Mais ce n'est qu'une illusion.

    La "couverture dénominationnelle" se fonde sur l'idée superstitieuse qu'en faisant partie d'une dénomination, je serais mystérieusement "protégé" de l'erreur. Pourtant, le fait que le système dénominationnel s'égare assez régulièrement prouve que cette idée est infondée. Il ne suffit donc pas d'être sous la responsabilité d'une organisation ou d'un individu lointain -- comme l'Eglise catholique est sous la responsabilité du Pape -- pour être "couvert"!

    Ce n'est qu'en nous soumettant à l'Esprit de vérité dans le Corps de Christ que nous sommes protégés de l'erreur (1 Jean 2:20,27). Dans l'idée de Dieu, la redevabilité a lieu entre l'Esprit et Son peuple, et non entre l'individu et son pasteur! La protection spirituelle vient de la connaissance intime du Saint Esprit et du contact avec les autres chrétiens. Tel est le génie de la communauté chrétienne.

    Contrairement à cela, le système compliqué et formalisé de la redevabilité dénominationnelle est un substitutif humain à la soumission mutuelle. Dans les dénominations, l'obéissance au clergé et la division remplacent la soumission mutuelle.

    La tyrannie du statu quo 

    Si vous n'êtes pas convaincu que le système des dénominations se base sur une autorité hiérarchique, essayez de le remettre en question. Et si vous le faites, soyez prêts à vous opposer à toute la rhétorique du clergé. Car vous verrez jaillir les étincelles.

    La vérité, c'est que ceux qui soulèvent des questions sur l'autorité ecclésiastique perturbent le système religieux tout entier. Et de ce fait, ils sont souvent diffamés.

    Si vous êtes l'un d'eux, préparez-vous à être traité de "hérétique", de "pertubateur", ou de "rebelle insoumis." Ce genre d'invocation de la rhétorique religieuse a pour but d'étouffer la pensée. On cherche ainsi à empêcher tout dissentiment honnête vis-à-vis de l'opinion du parti.

    Ainsi, la maison de Dieu souffre encore de la main de ceux qui sont animés d'un esprit de dispute. Elle souffre de la part de ceux qui chassent de la synagogue les bien-aimés du Seigneur. Elle souffre de la part de ceux qui ferment la porte aux membres de la famille (3 Jean 9-10).

    Ceux qui usurpent l'autorité ont beau dire qu'ils préservent les brebis de Dieu des périls de l'isolement -- et il est vrai que les sectes se perpétuent en s'isolant du Corps de Christ -- mais l'ironie, c'est que les dénominations font exactement la même chose.

    L'idée de "couverture dénominationnelle" n'est pas très différente de ce système d'autorité maître/esclave qui caractérise les sectes modernes. Dans les dénominations, les membres se laissent diriger, sans aucune réserve, par un homme, ou par une organisation, alors que le principe biblique d'assujettisement mutuel met en avant la soumission les uns aux autres, plutôt que l'obéissance inconditionnelle à un dirigeant humain, ou à une organisation hiérarchisée.

    On pourrait même ajouter que l'on se sert souvent de la "couverture ecclésiastique" pour exclure ces chrétiens qui ne se réunissent sous aucun drapeau dénominationnel. La "couverture" constitue une arme aux mains des groupes religieux partisans, qui leur assure du terrain théologique. Cette arme est animée d'un esprit sectaire. Et elle a pour effet de fracturer la communion du peuple de Dieu. Elle met en morceaux le Corps de Christ, et découpe l'Eglise en fragments isolés.

    En un mot, le marécage dénominationnel moderne a pollué le paysage chrétien. Il a fait du "un seul Corps" une entité terriblement divisée, étouffée par ses traditions. Les partisans du dénominationnalisme trouvent ce système utile. Ils considèrent que les différentes dénominations représentent les différentes parties du Corps de Christ.

    Mais le système dénominationnel est étranger au Nouveau Testament! Il est incompatible avec l'unité chrétienne. Il se base purement sur des divisions humaines qui sont sans appui biblique (1 Cor. 1-3). En fait, cette conception provient d'une vision restreinte du Corps de Christ. (Voir mon livre, "Rethinking the Wineskin" pour plus de détails.)

    Le gouvernement de "l'église mère" 

    Toutes les églises qui sont nées dans les dix-sept années suivant la pentecôte furent engendrées par l'église de Jérusalem. Mais ces nouvelles églises n'avaient pas une relation formelle de soumission envers Jérusalem. Dans le Nouveau Testament, il est toujours question d'églises autonomes (indépendentes), mais liées fraternellement.

    Cela signifie que pour Dieu, toutes les églises sont unies, et partagent la même vie. Mais chaque église est indépendente, et elle porte la responsabilité de sa propre direction; elle sera redevable devant Dieu de toutes les décisions qu'elle aura prises. Il est donc contraire aux principes bibliques que les affaires d'une église soient gérées par une "église-mère", ou par un centre d'administration dénominationnel.

    Jamais le Seigneur n'a souhaité que les églises locales s'attachent à une dénomination, à une confédération, ni à une quelconque association diocésaine. Selon les principes bibliques, chaque église prend ses propres décisions, et se dirige de façon autonome. (Considérez les mots du Seigneur aux sept églises d'Asie. Il traite chaque assemblée selon ses propres problèmes -- Apo. 1-3.)

    On retrouve ce même principe dans les écrits de Paul. Celui-ci considère chaque église comme un organisme autonome, directement responable et redevable devant Dieu de toutes ses décisions (Eph. 5:24; Col. 1:9-10).

    C'est donc une erreur que de rassembler les églises locales en une gigantesque fédération religieuse. La réalité, c'est que toutes les églises sont gouvernées par la même Tête, et elles partagent la même vie.

    Par conséquent, les églises devraient coopérer, s'aider mutuellement, et apprendre les unes des autres (Actes 11:28-30; Rom. 15:25-29; 2 Cor. 8:1-14; 1 Thess. 2:14). Et c'est ce que pratiquaient les premières églises (Rom. 16:1; 1 Cor. 16:19; 2 Cor. 13:13; Phil. 4:22).

    En même temps, chaque église doit embracer les traditions établies par les apôtres pour "toutes les églises" (1 Cor. 4:16-17; 7:17; 11:16; 14:33; 16:1; 1 Thess. 2:14). Une église ne doit donc pas se forger, dans un esprit d'individualisme, ses propres pratiques ecclésiastiques. Or, c'est exactement ce qu'a fait l'église institutionnelle. Elle a inventé tout un catalogue de pratiques religieuses qui violent les principes du Nouveau Testament.

    Selon le principe divin, chaque église doit développer sa propre direction, son propre ministère, et son propre témoignage. Mais d'un autre côté, il doit y avoir une proximité spirituelle, et un soutien mutuel entre les églises.

    Chaque église est directement responsable devant sa Tête (Christ), et c'est Lui seul qui la contôle. Chacune maintient une assez grande indépendance quant à ses affaires locales. Cela implique en particulier qu'une église ne doit pas discipliner ni diriger une autre église. Mais de même, chaque église doit être soutenue et encouragée par les autres églises.

    Dans la pensée de Dieu, aucune église n'a le droit de réguler, de contrôler, ni de s'ingérer dans les affaires, les enseignements ou les pratiques d'une autre assemblée. Le système des dénominations viole tous ces principes.

    L'unité et la proximité des églises témoignent donc que le Corps est un. Et l'indépendance et l'autonomie des églises témoignent que la Tête est souveraine.

    La question de Actes 15. 

    Comme contre-argument, certains ont cherché à tirer de Actes 15 un précédent biblique à cette notion d'"église-mère". Mais une analyse soignée de ce passage montre clairement que c'est là une interprétation érronée, qui contredit le reste du Nouveau Testament. De premier abord, il pourrait sembler que Paul et Barnabas s'étaient tournés vers l'église de Jérusalem parce qu'elle avait l'autorité sur toutes les autres églises. Mais cette interprétation s'effondre dès lors qu'on lit ce chapitre dans son contexte.

    Voici ce qui est arrivé. Des hommes de l'église de Jérusalem ont apporté une fausse doctrine à l'église d'Antioche. On a demandé à Paul et à Barnabas de rendre visite à l'église de Jérusalem pour régler cette affaire. Pourquoi? Simplement parce c'était de Jérusalem qu'était venu cet enseignement (Actes 15:1,2,24).

    Si la fausse doctrine était venue de l'église d'Antioche, Paul et Barnabas l'auraient sans doute réglée à Antioche. Mais comme l'enseignement venait de l'église de Jérusalem, les deux hommes se sont rendus à Jérusalem afin de déterminer qui l'avait introduite. Ils cherchaient aussi à s'assurer que les anciens de Jérusalem et les douze apôtres ne l'approuvaient pas.

    A leur arrivée, on a identifié ceux dans l'église qui avaient enseigné cette doctrine (15:4-5). Cela a donné lieu à un conseil d'église, suite à quoi les saints de Jérusalem ont répudié publiquement la doctrine (15:6).

    La conclusion du conseil, qui avait eu l'approbation des douze apôtres, des anciens et de l'église toute entière, fut ensuite communiquée aux églises païennes, au cas où elles seraient un jour confrontés à ce même problème épineux. Et leur décision portait l'autorité de Dieu, parce que le Saint Esprit l'avait inspirée (15:28). Et l'église tout entière l'avait approuvée (15:23,28,31).

    On ne peut tirer d'autre conclusion de cette histoire, si l'on tient compte sérieusement des faits historiques. C'est encore un cas où l'on cherche à justifier par un texte ses propres préconçus, plutôt que d'en prendre honnêtement le sens. Par conséquent, l'idée d'une "église-mère" qui détiendrait l'autorité absolue, est dépourvue de soutien biblique. Et elle est incompatible avec l'histoire du premier siècle.

    Bien entendu, l'Eglise de Jérusalem était aimée, appréciée, et soutenue par les autres églises (Rom. 15:26-27; 2 Cor. 9:11-13). Mais il n'y a rien dans le Nouveau Testament qui laisse penser qu'elle ait détenu l'autorité suprême, ni que les autres églises lui aient été asservies. Chaque église était autonome, et directement redevable devant Dieu. Aucune église n'était subordonnée à une autre.

    A cet égard, les pratiques du système dénominationnel sont sans précédent biblique. De plus, elles enfreignent les principes spirituels.

    Les dénominations ont fragmenté le Corps de Christ, en donnant naissance à des partis religieux. Elles ont brisé la famille de Dieu. Elles ont dégradé la fraternité spirituelle en un amas de sectes religieuses. Elles ont engendré des milliers de clans opposés, à partir de la seule famille de Christ.

    Le système des dénominations est auto-contradictoire 

    Un autre problème avec les dénominations, c'est qu'elles écrasent ce qu'elles prétendent protéger et préserver. En réalité, elles détruisent ce qu'elles sont sensées construire! Tout comme le zèle sectaire et déplacé qui conduit le catholicisme, les dénominations protestantes ont dégénéré en une institution humaine qui menace les dissidents du fouet du despotisme. Elle défend avec expertise les croyances du parti, et elle maudit les autres pour de supposées erreurs doctrinales.

    C'est pour cette raison que Paul a durement repris les chrétiens de Corinthe pour s'être divisés en différents camps (1 Cor. 1:11-13, 3:3-4). Il n'est pas moins scandaleux qu'on impose aujourd'hui à la famille de Dieu la camisole des dénominations. En fait, la plupart des églises soi-disant non-dénominationnelles, inter-dénominationnelles, ou post-dénominationnelles, sont tout aussi sectaires et hiérarchisées que les grandes dénominations classiques. Ainsi, celles-ci appartiennent aussi au "système dénominationnel".

    Plus frappant encore, le système des dénominations perpétue l'hérésie -- cela-même qu'il prétend détruire. Pensez-y. Si chaque église était autonome, la propagation de l'erreur resterait plutôt locale. Mais lorsque la tête d'une dénomination est infectée par l'erreur, toutes les églises qui y attachées embrassent cette même erreur. Ainsi, l'hérésie se répand!

    Si chaque église est autonome, il sera difficile pour un faux enseignant ambitieux de prendre le contrôle d'un groupe d'églises. Il sera quasiment impossible qu'un "pape" émerge. Mais au sein des dénominations, il n'en est rien. Là, toutes les églises affiliées tiennent bon ou tombent ensemble.

    On pourrait même aller jusqu'à dire que former une dénomination, c'est déjà commetre une hérésie. Le péché de l'hérésie [du grec: "hairesis"], c'est le fait de choisir de suivre ses propres principes, ses propres doctrines. Ainsi, même la vérité peut être hérétique, si l'on s'en sert pour diviser le Corps de Christ. C'est lorsque certains se séparent du reste du Corps pour suivre leurs doctrines ou leurs pratiques préférées que sont formées les dénominations.

    Alors que l'église institutionnelle se vante d'être "couverte" par une dénomination, elle n'offre en réalité aucune redevabilité personnelle et directe. Dans les églises évangéliques, on dit généralement que le pasteur "couvre" l'assemblée. Mais la plupart des membres de ces églises ne connaissent pratiquement pas leur pasteur! (Et encore moins le reste de l'assemblée!)

    Il n'est pas rare que ceux qui "vont à l'église" ne se disent pas plus de trois phrases au cours du culte dominical. A l'inverse, dans une église formée selon le modèle du Nouveau Testament, tous les frères et soeurs se connaissent intimement les uns les autres, y compris les travailleurs extérieurs qui aident l'église (1 Thess. 5:12).

    En somme, la "couverture dénominationnelle" est un concept artificiel. Et elle ne procure de sécurité que dans la mesure de sa superficialité inhérente. Dieu au contraire, désire que Son peuple mette en pratique la vie et l'enseignement de Son Fils dans une communauté de vie intime et personnelle. Ce désir constitue l'essence-même de Son dessein éternel (Eph. 2:18; 3:11).

    En un mot, la soumission mutuelle maintient l'unité et la proximité des membres de l'église. La "couverture" dénominationnelle en fait une société hiérarchisée!

    Un mot sur l'orthodoxie chrétienne. 

    Il est clair que le simple fait d'employer les structures ecclésiastiques traditionnelles comme le système pastoral protestant, la prêtrise catholique, ou le système dénominationnel, ne peut suffire à préserver le peuple de Dieu de l'erreur doctrinale. Tout comme les nombreuses églises indépendantes qui ont quitté les rails de l'orthodoxie chrétienne, beaucoup de dénominations à dominance cléricale ont suivi le même chemin. La société Watchtower, "Way International", l'Eglise de l'Unification et l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, en sont des exemples.

    Complémentaire à la soumission mutuelle, l'enseignement historique des doctrines essentielles de la foi joue un rôle crucial pour éviter à une église de faire fausse route spirituellement. Au cours des siècles, les chrétiens ont préservé les croyances fondammentales de notre foi. Ces croyances ont été explicitées en des confessions de foi, alors que surgissaient des hérésies doctrinales de toutes parts.

    Des confessions de foi comme le credo de Nicée, le credo des apôtres, et cetera, représentent la voix unilatérale de l'église, à un moment donné de l'Histoire, concernant les bases de notre foi. Ils attestent les vérités fondammentales du Christianisme : Jésus Christ est Dieu fait homme, Il est né d'une vierge, il a été crucifié pour nos péchés, et il est réssussité des morts.

    Ces credos n'appartiennent à aucune tradition ecclésiastique ni aucune dénomination particulière. Ils sont l'héritage de tout vrai chrétien. Ils reflètent avec exactitude la voix de l'église au travers de l'Histoire. Bien-sûr, le langage employé dans ces credos est désuet. Mais par leur sens ils convoient un solide enseignement biblique.

    Autrement dit, les credos écuméniques représentent ce que C.S. Lewis a appelé "les fondements du christianisme" -- "les croyances qu'ont partagées pratiquement tous les chrétiens à toutes les époques." (Vincent de Lerins avait précédemment exprimé en ces mots la même idée: "Le christianisme, c'est que ce que tous ont toujours cru partout.")

    S'il est vrai que les credos à eux seuls ne suffisent pas à protéger de l'erreur doctrinale, ils servent néanmoins de points de repère qui nous avertissent si nous nous égarons des croyances fondammentales du christianisme.

    Les credos ne constituent pas nécéssairement des affirmations théologiquement parfaites, mais ils servent de panneaux directeurs, dont la validité a été prouvée par l'Histoire, quant à notre foi commune. Ils ne prévalent pas sur l'Ecriture. Et ils méritent peut-être élargissement ou amélioration. Mais, si l'on s'en sert judicieusement, ils peuvent aider une église à rester dans l'orthodoxie chrétienne.

    Ainsi, les credos historiques sont des instruments utiles que nous ont laissé nos pères dans leur marche fidèle avec Jésus Christ. Ce serait donc une erreur grave que de négliger la contribution de ces hommes sous prétexte que certains d'entre eux faisaient partie de "l'église organisée" de leur époque.

    N'oublions pas que le canon même des Ecritures auquel nous tenons tant a été établi formellement et défendu par les structures d'églises institutionnelles. Cela ne les a pas empêché de se joindre à la voix des apôtres en ce qui concerne les oracles sacrés de Dieu. N'oubliez pas que le Corps de Christ comprend tous les chrétiens de tous les âges -- indépendemment des structures ecclésiastiques auquelles ils appartenaient.

    L'appel à rétablir l'église du Nouveau Testament n'implique donc pas qu'on doive réinventer la roue, en matières religieuses, ni rejeter tout ce que nous ont légué nos pères spirituels.

    Au contraire, cet appel est en accord avec toutes les voix du passé qui étaient restées fidèles à la révélation apostolique -- peu importe à quel segment de l'église de leur époque ils appartenaient. L'église primitive était enracinée dans le sol fertile de la vérité chrétienne. Et si nous voulons rester dans ce sol, nous devrons nous tenir sur les épaules de ceux qui nous ont précédés.

    N'oubli

    ez pas que le Corps de Christ comprend tous les chrétiens de tous les âges -- indépendemment des structures ecclésiastiques auquelles ils appartenaient.

    L'appel à rétablir l'église du Nouveau Testament n'implique donc pas qu'on doive réinventer la roue, en matières religieuses, ni rejeter tout ce que nous ont légué nos pères spirituels.

    Au contraire, cet appel est en accord avec toutes les voix du passé qui étaient restées fidèles à la révélation apostolique -- peu importe à quel segment de l'église de leur époque ils appartenaient. L'église primitive était enracinée dans le sol fertile de la vérité chrétienne. Et si nous voulons rester dans ce sol, nous devrons nous tenir sur les épaules de ceux qui nous ont précédés.

    CHAPITRE 5 :
    L'AUTORITÉ APOSTOLIQUE

    par Frank A. Viola 


    Un traité complet du ministère de l'apôtre sortirait du cadre de ce livre. Je voudrais simplement tracer les grandes lignes de l'autorité apostolique, afin de montrer que le rôle d'apôtre subsiste encore aujourd'hui. Sans aucun doute, les douze apôtres -- avec Matthias, qui remplaçait Judas Iscariot (Actes 1:26) -- détiennent une place toute particulière (Luc 22:30; Apo. 21:14).

    Cependant, les Ecritures mentionnent d'autres apôtres que les douze. Paul et Barnabas (Actes 14:4,14; 1 Cor. 9:1-6), Jacques, le frère du Seigneur (Gal. 1:19), Timothée et Silas (1 Thess. 1:1; 2:6), sont quelques-uns des apôtres qui apparaissent dans les pages du Nouveau Testament.

    Il s'en suit que le ministère apostolique s'est prolongé au-delà de la mort des douze premiers. Il ne s'est pas limité au premier siècle. Et il ne s'est pas non plus transmis par le biais d'une hiérarchie institutionnelle.

    S'il est vrai que les apôtres n'écrivent plus la Bible aujourd'hui, ils ont encore la commission divine de construire le Corps de Christ (1 Cor. 12:28-29; Eph. 4:11). L'essentiel du travail d'un apôtre est de fonder des églises. Cela ne signifie pas qu'une église ne puisse naître sans la main d'un apôtre. Il semble bien en effet qu'aucun apôtre n'ait établi les églises d'Antioche de Syrie, de Césarée, de Tyre et de Ptolémais.

    Mais toutes ces églises ont eu le soutien, peu après leur naissance, d'un travailleur apostolique. En fait, toutes les églises du Nouveau Testament étaient soit fondées, soit grandement aidées, par un travailleur apostolique.

    Les travailleurs apostoliques n'établissent pas des missions, des dénominations, des cellules de maison, des organisations para-ecclésiastiques, ni des "églises" institutionnelles. Ils ne fondent que des ekklesias, qui sont établies et maintenues par Jésus Christ -- l'Architecte Suprême de l'église (1 Cor. 3:6-15).

    Les travailleurs apostoliques sont simplement des frères, que Dieu a établis expressément pour accomplir Son oeuvre (Rom. 1:1; 1 Tim. 2:7; 2 Tim. 1:11). Et ils sont approuvés et envoyés par les croyants qui les connaissent intimement. Considérez Actes 13:1-4:

    "Il y avait dans l'Eglise d'Antioche des prophètes et des docteurs: Barnabas, Siméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manahen, qui avait été élevé avec Hérode le tétrarque, et Saül. Pendant qu'ils servaient le Seigneur dans leur ministère et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit: Mettez-moi à part Barnabas et Saül pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés. Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains, et les laissèrent partir. Barnabas et Saül, envoyés par le Saint-Esprit, descendirent à Séleucie, et de là ils s'embarquèrent pour l'île de Chypre."

    La vocation d'un travailleur apostolique est personnelle. Mais il est envoyé par le Corps. Un travailleur apostolique, c'est souvent un enseignant, un prophète, ou un évangéliste que Dieu a directement appelé pour effectuer un certain travail dans une localité particulière. Mais il a aussi été envoyé publiquement par une communauté locale de croyants.

    Ce sont cette vocation intérieure et cette séparation extérieure qui font d'un homme un travailleur apostolique. Un travailleur apostolique peut aussi être envoyé par un autre travailleur, plus âgé, qui lui sert de mentor (1 Cor. 4:17; 2 Tim. 8:16-23; 12:18; Eph. 6:21-22; Col. 4:7-8; 1 Thess. 3:1-2; 2 Tim. 4:12; Tite 3:12-13).

    Il est intéressant de remarquer que le mot grec "apostolos", traduit "apôtre", signifie littéralement, quelqu'un qui est envoyé. Il n'est donc pas question, dans le Nouveau Testament, d'apôtres qui se désigneraient ou s'enverraient eux-mêmes.

    Les travailleurs apostoliques, au sens biblique, ce sont ceux qui sont envoyés. Ce sont des hommes itinérants, mobiles, qui critiquent la culture, annoncent l'évangile, et implantent et nourrissent des ekklesias. Quant à la manière dont ils accomplissent ces tâches, et la mesure d'autorité qu'ils possèdent, ce sont là des questions que nous allons aborder dans ce chapitre.

    La question de la couverture apostolique 

    Semblable à la "couverture dénominationnelle", la doctrine de la "couverture apostolique" enseigne qu'une église serait protégée de l'erreur en se soumettant à un apôtre contemporain (un planteur d'églises). Cela se base sur l'idée que les travailleurs apostoliques auraient l'autorité officielle pour diriger et contrôler les affaires d'une église.

    Cependant, cette idée est contraire aux enseignements bibliques. Jamais dans le Nouveau Testament un apôtre ne prend la pleine responsabilité d'une église locale une fois que le fondement a été posé. Au contraire, les apôtres du Nouveau Testament reconnaissaient et respectaient l'autonomie spirituelle de chaque église, à partir du moment où elle avait été établie.

    Certes, l'église était entre les mains du travailleur pendant qu'il posait les fondements. Mais une fois qu'il était parti, la responsabilité était entre les mains de l'église. Et il finissait toujours par partir!

    Au début de la vie d'une église, le fardeau de sa direction tombe sur les épaules du travailleur apostolique. Par la suite, ce sont les anciens qui s'en chargent, lorsqu'il en émerge. Les travailleurs apostoliques sont responsables de leur propre ministère régional. L'église, elle, est responsable de ses propres affaires locales.

    Encore une fois, durant le temps où le travailleur donne naissance à une église, celle-ci est entre ses mains. On pourrait comparer cette période à une phase d'incubation. Le travailleur passe son temps à enseigner Christ aux saints et à les préparer au ministère. C'est pour cette raison que Paul s'est loué une maison pour mener des réunions apostoliques, en parallèle avec les réunions de l'église (Actes 28:30-31).

    De même, lorsqu'il était à Ephèse, Paul a tenu une réunion apostolique dans l'école de Tyrannus tandis que les croyants locaux se réunissaient dans les maisons (Actes 19:9; 20:20; 1 Cor. 16:19). De telles réunions apostoliques étaient des réunions pour l'oeuvre. Elles avaient pour but de préparer les saints à fonctionner dans une église.

    Mais une fois que le travailleur avait posé le fondement, il quittait l'église, et il déléguait toute direction et toute responsabilité aux membres de l'église. Ainsi, les apôtres du premier siècle ne s'installaient jamais dans une église, pour gouverner ses affaires. Ils quittaient toujours l'église.

    Paul a quelques fois, il est vrai, passé un temps particulièrement long à planter une église (Corinthe 6 mois; Ephèse 3 ans), mais il la laissait toujours, une fois le fondement posé. Et une fois parti, il ne s'ingérait pas dans les affaires de l'église.

    De même, pendant ses deux premiers voyages apostoliques, Paul s'est servi de l'église d'Antioche comme base. Mais il n'a pas dominé, durant ce temps, les affaires de l'église. A Antioche, Paul était simplement un frère respecté. Il n'était pas apôtre de cette église.

    Cela explique que le Nouveau Testament fasse mention des anciens d'Ephèse, de Jérusalem, de Philippes, etc., mais qu'il ne soit jamais question des apôtres de ces églises. Durant le temps où les douze apôtres résidaient à Jérusalem, pendant la phase initiale de l'église, le Nouveau Testament ne les appelle jamais "les apôtres de Jérusalem." Pourtant, le ministère des travailleurs apostoliques complète celui de l'église.

    Le ministère apostolique, ou "l'oeuvre" (ergon) comme le nomme la Bible (Actes 13:2; 14:26; 15:38), constitue une entité distincte de l'église. L'oeuvre est régionale. Les églises sont locales. L'oeuvre est transitoire. Les églises sont permanentes. L'oeuvre est une association itinérante. Les églises sont des communautés fixes. Les travailleurs apostoliques sont des voyageurs, et non des colons. Ils sont pionniers, et non stationnaires.

    Une lecture attentive des lettres de Paul révèle que généralement, il passait très peu de temps avec les églises qu'il fondait. Bien souvent, il passait quelques mois à poser les fondations de la communauté de croyants, puis ensuite les quittait pour des périodes assez prolongées. Il donnait parfois, pendant son absence, des conseils à l'église (1 Cor. 7:1). Et périodiquement, il lui rendait visite, pour veiller à leur avancement spirituel, et pour les fortifier (Actes 15:36; 18:23; 2 Cor. 12:14; 13:1). Mais jamais il ne prenait en charge leurs affaires internes.

    Le fait que Paul quittait ainsi les églises qu'il avait fondées, alors qu'elles étaient encore très jeunes, montre sa confiance que l'église, étant un organisme vivant, serait capable de se développer toute seule, par le pouvoir de la vie divine. Il savait que lorsqu'il quitterait l'église, l'Esprit resterait.

    En même temps, les églises fondées par Paul recevaient de l'aide de la part d'autres églises (Actes 16:2; 1 Thess. 1:7-8). Aussi, elles restaient en contact régulier avec Paul. D'ailleurs, même après douze ans, l'église à Philippes avait encore besoin du ministère spirituel de leur apôtre fondateur (Php. 1:23-27).

    Il est donc absolument indispensable que les église de maisons actuelles soit soutenues par un travailleur apostolique. Lorsqu'une église ferme ses portes à l'aide extérieure, et s'estime totalement autosuffisante, elle subit une perte formidable. Les églises de maison ne doivent donc pas chercher à se priver de l'aide qu'on pourrait leur apporter. Ce serait suicidaire. (Voir mon livre "So you want to start a house church?" pour plus de renseignements.)

    L'oeuvre existe uniquement pour les églises -- elle n'a pas de valeur particulière en elle-même. D'ailleurs, c'est l'oeuvre qui produit les églises. En même temps, les églises produisent des travailleurs. (Chaque apôtre du Nouveau Testament, était d'abord un frère fidèle et bien connu dans une certaine église, avant d'être envoyé.) L'oeuvre ne doit jamais rivaliser avec, prévaloir sur, ni se substituer à l'église. Le but de l'oeuvre, c'est d'établir et de fortifier les églises.

    En un mot, les travailleurs apostoliques s'occupent de planter et de nourrir des églises à divers endroits. Les véritables apôtres ne s'établissent jamais de manière permanente dans les églises qu'ils plantent. Et ils ne prennent jamais sur elles l'autorité exclusive. On pourrait dire à cet égard que le pasteur moderne en quelque sorte un apôtre stationnaire. Une telle créature est un oxymore spirituel!

    Planteurs ou supplanteurs d'églises? 

    Les apôtres étaient des serviteurs appréciés des églises du Nouveau Testament, mais ce n'étaient pas des usurpateurs (1 Cor. 4:1). Il ne se comportaient pas comme patrons ou gérants vis-à-vis des assemblées.

    Autrement dit, les apôtres du premier siècle étaient des planteurs d'église, et non des supplanteurs d'église! C'étaient des assistants, et non des aristocrates spirituels. Des serviteurs, et non des despotes ecclésiastiques. Ils posaient les fondations, ce n'étaient pas des vedettes. Et si les apôtres du premier siècle instruisaient et persuadaient les églises, ils ne les contrôlaient pas pour autant.

    Certains, de nos jours, ont exalté la vocation apostolique, mais Paul, lui, considérait que les apôtres étaient "les derniers des hommes ... fous ... faibles ... méprisés ... les balayures du monde, le rebut de tous" (1 Cor. 4:9-13). Les vrais travailleurs ne cherchent donc pas la gloire. Ils ne cherchent pas à impressionner les gens (2 Cor. 11:5-6; 1 Thess. 2:5-6). Ils ne cherchent pas le gain financier (2 Cor. 2:17; 11:9). Ils ne dominent pas la vie des autres (2 Cor. 1:24).

    Les vrais travailleurs ne s'attribuent pas des qualités éclatantes (2 Cor. 3:1-3). Ils ne prétendent pas à un héritage supérieur (2 Cor. 11:21-22). Ils ne se vantent pas d'expériences spirituelles extraordinaires (2 Cor. 10:12-15; 11:16-19; 12:1-12).

    Pour Paul, les travailleurs apostoliques ne sont pas des élitistes spirituels, qui se mettent à part des autres croyants, pour chercher leur avancement personnel. Ce sont plutôt ceux qui ramassent les crottes après le défilé! Ce sont ceux qui versent leur sang pour l'église. Les vrais travailleurs apostoliques sont toujours prêts à servir, discrètement, ceux qui sont dans le besoin.

    C'est pourquoi, chercher à s'emparer du pouvoir et à prendre autorité sur les autres, ce n'est pas de l'apostolat (le fait d'être envoyé). C'est ni plus ni moins que de l'oppression dissimulée. Les vrais travailleurs sont avant tout des serviteurs.

    Le sceau d'un vrai travailleur apostolique, c'est simplement qu'il fonde des ekklesias comme décrites dans le Nouveau Testament, capables de survivre durant son absence (1 Cor. 9:2; 2 Cor. 3:1-2). Tout ceci est en accord avec l'expérience de Paul -- l'apôtre dont le ministère a la plus grande ampleur dans le Nouveau Testament.

    Au lieu de dresser des métaphores impériales, Paul compare sa relation avec les églises où il a travaillé aux liens familiaux. Pour les églises, Paul est un père, une mère, et une nourrice (1 Cor. 3:2; 4:14-15;2 Cor. 12:14; Gal. 4:19; 1 Thess. 2:7,11). Il n'est pas seigneur, maître, ni roi!

    De même, les tons persuasifs qui dominent dans les écrits de Paul montrent bien qu'il traitait les églises comme un père traiterait ses enfants adultes, et non ses tout petits enfants. En tant que père, il donnait son jugement vis-à-vis des affaires de l'église. Mais il ne proclamait pas des décrés absolus.

    La première lettre aux corinthiens illustre bien cette tendance. Le point culminant, c'est lorsque Paul donne son jugement vis-à-vis d'un frère qui commet un inceste. Il fait appel à l'église tout entière pour le discipliner. (1 Cor. 5:1-13).

    Progressivement, toutes les églises que Paul avait fondées devenaient de moins en moins dépendantes de lui, pour devenir au contraire de plus en plus dépendantes de Christ (1 Cor. 2:1-5). Et Paul les y incitait (1 Cor. 14:20; Eph. 4:14).

    La méthode de Paul pour implanter et nourrir les églises 

    L'une des caractéristiques les plus puissantes de la méthode de Paul pour implanter les églises, c'était sa soumission aux autres chrétiens. Dès sa conversion, il apprit à dépendre de l'apport spirituel des frères. Sa première leçon de soumission au Corps fut avec Ananias, le frère aux mains duquel Paul reçut l'Esprit, et eut la confirmation de sa vocation (Actes 9:17-19; 22:12-16).

    Par la suite, les croyants à Bérée le firent partir (Actes 17:14). Il fut fortifié par ses compagnons d'oeuvre à Corinthe (Actes 18:5). Il fut retenu par les saints à Ephèse (Actes 19:30). Il fut conseillé par les frères à Jérusalem (Actes 21:23). En un mot, Paul savait recevoir le soutien et l'enrichissement de la part des autres (Rom. 15:32; 1 Cor. 16:18; Phil. 2:19; 2 Tim. 1:16).

    Malgré sa riche expérience spirituelle et ses nombreux dons, Paul considérait son autorité comme étant relationnelle et fonctionnelle -- et non officielle ni sacrée. Pour Paul, l'autorité spirituelle a pour base l'approbation du Seigneur, et non un quelconque poste formel (2 Cor. 10:18).

    Cela explique que Paul cherchait pratiquement toujours à persuader les églises de la pensée de Dieu plutôt que d'émettre des ordres stricts. D'ailleurs, ses deux mots préférés pour adresser les saints sont parakalein et erotao. "Parakalein" signifie faire appel. "Erotoa" signifie faire une requête envers un égal.

    De la même manière, Paul s'est retenu d'employer le mot "epitage" (=commandement), beaucoup plus fort, pour exiger qu'on lui obéisse. Considérez les textes suivants:

    "Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre." (1 Cor. 7:6)

    "Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle." (1 Cor. 7:25)

    "Je ne dis pas cela pour vous donner un ordre, mais pour éprouver, par l'exemple du zèle des autres, la sincérité de votre amour." (2 Cor. 8:8)

    "C'est pourquoi, bien que j'aie en Christ toute liberté de te prescrire ce qui est convenable, c'est de préférences au nom de l'amour que je l'adresse une prière." (Phil. 8-9)

    Lorsque Paul exhorte les croyants à une certaine action ou une certaine attitude, il les "incite", il "sollicite", il "conjure", il "plaide", il "demande", plutôt que d'avoir recours à des ordres autoritaires. Ses lettres sont toujours empreintes de ce ton de coopération. (Voir Rom. 12:1; 15:30, 16:2,17; 1 Cor. 1:10; 4:16; 16:12,15; 2 Cor. 2:8; 5:20; 6:1; 8:6; 9:5; 10:1-2; 12:18; Gal. 4:12; Eph. 3:13; 4:1; Phil. 4:2-3; 1 Thess. 2:3,11; 4:1,10; 5:12,14; 2 Thess. 2:1; 3:14-15, 1 Tim. 1:3; 2:1; Phlm. 9-10,14.)

    Paul souhaitait que ses lecteurs s'approprient la vérité et consentent volontairement à ce qu'il leur demandait, plutôt que d'obéir aveuglement. Lorsque son ton était sévère, Paul demandait aux saints d'obéir à Christ et non à lui-même (Rom. 1:5; 16:19,26; 2 Cor. 2:9; Phil. 2:12).

    Il est vrai qu'à de rares occasions, il a aussi exigé (paraggello) l'obéissance vis-à-vis de ce qu'il avait écrit (1 Thess. 4:11; 2 Thess. 3:4,6,10,14). Mais ce n'était pas à Paul, en tant qu'homme, qu'ils devaient obéir. C'était plutôt à Christ, dont Paul exprimait alors la pensée.

    Autrement dit, toutes les fois où Paul manifestait la pensée de Christ, ses paroles faisaient autorité. Mais à aucun moment Paul n'était lui-même autoritaire. Considérez les passages suivants :

    "Je sais et je suis persuadé PAR LE SEIGNEUR JESUS que rien n'est impur en soi, et qu'une choses n'est impure que pour celui qui la croit impure." (Rom. 14:14)

    "A ceux qui sont mariés, j'ordonne, NON PAS MOI, MAIS LE SEIGNEUR ..." (1 Cor. 7:10)

    "Si quelqu'un croit être prophète ou spirituel, qu'il reconnaisse que CE QUE JE VOUS ECRIS EST UN COMMANDEMENT DU SEIGNEUR." (1 Cor. 14:37)

    "Car nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme font plusieurs; mais c'est avec sincérité, MAIS C'EST DE LA PART DE DIEU, QUE NOUS PARLONS EN CHRIST DEVANT DIEU." (2 Cor. 2:17)

    "Nous ne nous prêchons PAS NOUS-MÊMES; C'EST JESUS-CHRIST LE SEIGNEUR QUE NOUS PRÊCHONS, et nous nous disons vos serviteur à cause de Jésus." (2 Cor. 4:5)

    "Vous vous imaginez depuis longtemps que nous nous justifions auprès de vous. C'EST DEVANT DIEU, EN CHRIST, QUE NOUS PARLONS; ET TOUT CELA, BIEN-AIMES, NOUS LE DISONS POUR VOTRE EDIFICATION." (2 Cor. 12:19)

    "Puisque vous cherchez UNE PREUVE QUE CHRIST PARLE EN MOI, lui qui n'est pas faible à votre égard, mais qui est puissant parmi vous. Car il a été crucifié à cause de sa faiblesse, mais il vit par la puissance de Dieu; nous aussi, nous sommes faibles en lui, mais NOUS VIVRONS AVEC LUI PAR LA PUISSANCE DE DIEU POUR AGIR ENVERS VOUS." (2 Cor. 13:3-4)

    "C'est pourquoi nous rendons continuellement grâces à Dieu de ce qu'en recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l'avez reçue, NON COMME LA PAROLE DES HOMMES, MAIS AINSI QU'ELLE L'EST VERITABLEMENT, COMME LA PAROLE DE DIEU, QUI AGIT EN VOUS QUI CROYEZ." (1 Thess. 2:13)

    "Vous savez, en effet, quels préceptes nous vous avons donnés DE LA PART DU SEIGNEUR JESUS." (1 Thess. 4:2)

    "VOICI, EN EFFET, CE QUE NOUS VOUS DECLARONS D'APRES LA PAROLE DU SEIGNEUR..." (1 Thess. 4:15)

    "Nous invitons ces gens-là, et nous les exhortons PAR LE SEIGNEUR JESUS CHRIST..." (2 Thess. 3:12)

    Paul n'était donc pas un homme autoritaire, ni un entrepreneur indépendant. Il disait clairement, de sa propre bouche, que sa vocation apostolique ne l'autorisait pas à dominer les affaires des églises. Paul n'a jamais usé de son droit, en tant qu'apôtre, à recevoir une aide financière de la part de ceux qu'il servait (1 Cor. 9:1-19).

    Il avait pour principe de refuser l'argent des églises qu'il était en train de servir. Paul n'acceptait que l'argent des croyants d'une autre région, afin de ne pas être un fardeau pour ceux qu'il aidait actuellement (2 Cor. 11:7-9).

    La pensée de Paul par rapport à l'autorité apostolique est cristallisée dans cette affirmation : "Non pas que nous dominions sur votre foi, mais nous contribuons à votre joie ..." (2 Cor. 1:24). Eugène Peterson a paraphrasé ce passage comme suit : "Nous ne sommes pas responsables de votre manière de vivre votre foi, nous ne vous épions pas sans arrêt, nous ne sommes ni suspects, ni exagérément critiques. Nous sommes partenaires, nous travaillons avec vous, dans une attente joyeuse. Nous savons que vous tenez par votre propre foi, et non la nôtre." (Le Message)

    C'est en cela que Paul différait énormément de tous ses opposants (2 Cor. 11:19-21).

    La source de l'autorité de Paul 

    L'autorité de Paul était liée à son aptitude à parler la parole du Seigneur dans les communautés qu'il fondait. C'est pourquoi c'était une autorité "pour l'édification et non pour la destruction" (2 Cor. 10:8; 13:10). Paul n'exerçait donc son autorité que dans le seul but pour lequel il l'avait reçue -- c'est-à-dire d'édifier les saints. Il n'en abusait jamais pour obtenir la prééminence, le pouvoir terrestre, ni les biens matériels.

    Paul reconnaissait que la source de son autorité était Christ Lui-même, tel qu'il est décrit dans l'évangile. C'est pourquoi il invitait régulièrement les saints à juger de ce qu'il disait (1 Cor. 10:15; 11:13; 1 Thess. 5:21). Paul incitait même les saints à rejeter son message s'il n'était pas en accord avec l'évangile (Gal. 1:8-9).

    De la même manière, les auteurs du Nouveau Testament dans leur ensemble, exhortent les églises à obéir à la vérité de l'évangile tel qu'on le trouve en Jésus Christ. On ne doit pas obéir systématiquement à des paroles d'hommes. (Rom. 6:17; Gal. 3:1; 5:7; Tite 1:14).

    Paul exigeait que les églises l'écoutent dans la mesure où ses paroles reflétaient l'évangile de Christ (Gal. 1:9); et dans la mesure où elles étaient en accord avec l'Esprit de Dieu (1 Cor. 7:40). En effet, Paul était contraint parfois à reprendre les églises. Mais il trouvait toujours cette tâche difficile.

    Sa réticence à donner la réprimande se retrouve dans ses lettres aux corinthiens. On y voit clairement que Paul préférait venir à eux dans un esprit de douceur qu'avec une parole de réprimande (1 Cor. 4:21). Mais, lorsqu'il devait leur parler durement, c'est le coeur angoissé qu'il le faisait (2 Cor. 2:4). (La verge dont il est question dans 1 Cor. 4:21 est une image d'une parole de réprimande, plutôt qu'un instrument de subordination forcée ou d'autorité absolue -- 2 Cor. 10:3-6.)

    Dans son amour pour les corinthiens, Paul avait tant de compassion paternelle, qu'il craignait, après leur avoir écrit, d'avoir été trop dur (2 Cor. 7:8). Manifestement ce qui poussait Paul à oeuvrer et à souffrir continuellement pour les églises, c'était son amour débordant pour leurs âmes (2 Cor. 12:15; Phil. 2:17-21; Col. 1:24; 1 Thess. 2:8).

    Puisque bien souvent, Paul annonçait la parole du Seigneur, il pouvait dire que ceux qui rejetaient ses paroles ne le rejetaient pas lui, mais Christ (1 Thess. 4:8). Car d'après Paul, "Dieu [...] vous a aussi donné son Saint Esprit." (4:8). Mais même aux moments où la parole du Seigneur était dans sa bouche, Paul voulait que les croyants reconnaissent qu'il n'exprimait pas ses propres pensées, mais celles de Dieu (1 Cor. 14:37-38).

    Il est clair que Paul demandait, sur la base de sa fidélité dans le service, à ce que les saints lui fassent confiance (1 Cor. 4:1-5; 7:25; 15:10; 2 Cor. 1:12; 4:1-2). Cependant, Paul s'intéressait d'avantage à ce que ses convertis l'imitent dans sa marche qu'à ce qu'ils écoutent ses paroles (1 Cor. 4:16; Gal. 4:12; Phil. 3:17; 4:9; 2 Thess. 3:7). Bien-sûr, Paul ne pouvait se présenter comme un modèle à suivre, que dans la mesure où sa vie reflétaient celle de Jésus Christ (Actes 20:34-35; 1 Cor. 11:1).

    Tout cela se résume en disant que la source de toute autorité spirituelle, c'est Christ. Le moyen de l'autorité spirituelle, c'est la Parole de Dieu. La pratique de l'autorité spirituelle, c'est une vie brisée et un service dévoué. Et le but de l'autorité spirituelle, c'est l'édification spirituelle.

    Dans la pensée de Dieu, l'autorité est indissociable de la croix. Et ce principe est mis à l'oeuvre durant tout le ministère apostolique de Paul.

    Il faut bien comprendre que les écrits bibliques composés par Paul et par les autres apôtres sont inspirés, et, en ce sens, ils font autorité. Ils représentent la voix de Dieu dans les Saintes Ecritures. Mais dans ce chapitre, nous examinons, dans les écrits de Paul, la relation entre le travailleur et l'église. Si nous lisons les lettres de Paul dans cette optique, nous verrons qu'il n'était pas autoritaire.

    Le caractère non-autoritaire des autres apôtres. 

    Voyons à présent comment les autres apôtres du premier siècle envisageaient l'autorité spirituelle. Timothée était aussi non-autoritaire que l'était Paul. Jamais Paul n'a donné à son jeune compagnon d'oeuvre le droit d'exercer un pouvoir formel sur les saints. Il l'a plutôt encouragé à "exhorter" les saints avec humilité. Il lui aussi enseigné de cultiver une relation familiale avec l'église (1 Tim. 5:1-2; 2 Tim. 2:24-25; 4:2).

    A un endroit, Paul lui écrit : "Ordonne ces choses, et enseigne-les" (1 Tim. 4:11,DB). Mais ces "choses" que Timothée doit "ordonner", ce sont les paroles de l'Esprit (4:1). Et elles sont confirmées par la bonne doctrine (4:6). Comme Paul, Timothée travaillait avec et non sur les gens.

    De même dans Tite 2:15: "Dis ces choses, exhorte, et reprends, avec une pleine autorité (epitage)". Il faut comprendre ce verset dans la continuité de son injonction précédente : "Pour toi, dis les choses qui sont conformes à la sainte doctrine" (Tite 2:1). Autrement dit, Tite était libre de reprendre, d'exhorter, et de dire avec autorité tout ce qui reflète la vérité de Jésus Christ. (Car c'est en Lui qu'est investie l'autorité.)

    Les lettres de Jean ont ce même ton non-autoritaire. Comme Paul, Jean ne s'ingérait pas dans les affaires de l'église, et il ne prétendait pas au droit de gouverner les saints. Lorsque Diotrèphe usurpait l'autorité dans une certaine église, Jean n'a pas cherché à le répudier. Il a seulement exhorté les saints à ne pas suivre ceux qui font le mal (3 Jean 9-11).

    Jean avoue qu'il n'a pas de commandement à donner (1 Jean 2:7; 2 Jean 5-6). Il met plutôt en avant le nouveau commandement de Christ -- c'est-à-dire l'amour. A tous points de vue, sa perception de l'autorité est sensiblement la même que Paul.

    Encore une fois, la conclusion inévitable, c'est que les travailleurs apostoliques ne détiennent pas d'autorité officielle sur les églises. Ils ne les possèdent pas au sens formel. Et ils n'en font pas non plus des dénominations conformes à leurs propres idées, et assujetties à leur propre ministère.

    Un vrai travailleur apostolique met son ministère au service des églises; et non les églises au service de son ministère!

    Le ministère de l'apôtre du premier siècle était donc plutôt un service qu'une domination. C'est pourquoi Paul parle des églises qu'il avait fondées en des termes non-hiérarchiques. Il les appelle "frères", "compagnons d'oeuvre" (2 Cor. 5:20-6:1; 7:3; Phil. 1:5,7; 2:17). Lorsqu'il leur parlait, il parlait comme étant l'un d'eux -- en égal. Il ne leur parlait pas comme étant supérieur (1 Cor. 5:2-3; Col. 2:5).

    Ainsi, les apôtres du Nouveau Testament ne contrôlaient pas les églises. Et les églises ne contrôlaient pas les apôtres. Les mots de Paul dans Galates 4:12 montrent clairement la relation de coopération qui existait entre eux : "Soyez comme moi, car moi aussi je suis comme vous ...".

    La confiance de Paul envers les églises 

    Contrairement au clergé moderne, Paul faisait confiance aux églises qu'il fondait. Il avait l'assurance que les communautés de croyants obéiraient à Dieu. Il avait aussi confiance qu'elles fonctionneraient correctement durant son absence. Considérons les textes suivants :

    "J'ai cette CONFIANCE EN VOUS, DANS LE SEIGNEUR, que vous ne penserez pas autrement." (Gal. 5:10)

    "NOUS AVONS A VOTRE EGARD CETTE CONFIANCE DANS LE SEIGNEUR que vous faites et que vous ferez les choses que nous vous recommandons." (2 Thess. 3:4)

    "AYANT EN VOUS TOUS CETTE CONFIANCE, que ma joie est la vôtre à tous." (2 Cor. 2:3)

    "Je me réjouis DE POUVOIR EN TOUTES CHOSES ME CONFIER EN VOUS." (2 Cor. 7:16)

    "Nous envoyons avec eux notre frère, dont nous avons souvent éprouvé le zèle dans beaucoup d'occasions, et qui en montre plus encore cette fois, à cause de SA GRANDE CONFIANCE EN VOUS." (2 Cor. 8:22)

    "Pour ce qui me concerne, mes frères, JE SUIS MOI-MÊME PERSUADE QUE VOUS être pleins de bonnes dispositions, remplis de toute connaissance, et capables de vous exhorter les uns les autres." (Rom. 15:14)

    "C'EST EN COMPTANT SUR TON OBEISSANCE que je t'écris, sachant que tu feras même au-delà de ce que je dis." (Phm. 21)

    "JE SUIS PERSUADE QUE celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus Christ." (Phil. 1:6)

    "Quoique nous parlons ainsi frères, NOUS ATTENDONS, POUR CE QUI VOUS CONCERNE, DES CHOSES MEILLEURES et favorables au salut." (Héb. 6:9)

    Même au milieu du désordre qui régnait dans l'assemblée de Corinthe, Paul n'a pas décidé de mettre fin au caractère ouvert des réunions d'église. Et il n'a non plus interdit aux frères d'exercer leurs dons. Au lieu de cela, il leur a donné des règles générales pour mettre de l'ordre dans leurs réunions. Et il avait confiance qu'ils s'y tiendraient (1 Cor. 14:1).

    Les clergés modernes considèrent qu'ils ne peuvent "permettre" aux frères (dans leurs assemblées) d'exercer librement leurs dons, de peur qu'ils ne soient "incontrôlables"; mais la pensée de Paul à ce sujet est radicalement opposée.

    Tout d'abord, Paul ne se considérait pas en droit "d'autoriser" ni "d'interdire" au peuple de Dieu de fonctionner dans l'église. Nul n'a ce droit!

    Deuxièmement, Paul avait une totale confiance en son ministère. A tel point qu'il permettait aux églises de conduire des réunions ouvertes sans aucune direction humaine. Pas même la sienne! Ainsi, Paul bâtissait bien. Il cherchait à apprendre aux saints à bien fonctionner même durant son absence.

    Inversement, lorsque le clergé moderne exprime son manque de confiance envers le peuple de Dieu, en lui interdisant de mener des rassemblements ouverts, il porte une accusation contre son propre ministère! Car il n'y a rien de tel pour mettre à l'épreuve l'enseignement qu'a reçu une communauté, qu'un rassemblement ouvert où chacun a la possibilité de participer.

    Si l'on considère dans cette optique l'horizon chrétien, il va sans dire que ce n'est jamais en prêchant un sermon de 45 minutes tous les dimanche matin qu'on parviendra à véritablement former les saints! Ecouter des sermons, alors qu'on est immobilisé sur un banc d'église, cela n'a jamais fait que former une prêtrise muette. Cela n'engendre pas la croissance spirituelle. (Voir "Rethinking the Winskin" pour plus de détails sur les réunions d'église du premier siècle.)

    La relation de Paul avec ses compagnons d'oeuvre 

    Passons à la relation de Paul avec ses comparions d'oeuvre. Comment Paul traitait-il ceux qui faisaient partie de son équipe apostolique ?

    L'autorité spirituelle s'exprimait dans le cadre de l'oeuvre apostolique. Et Paul était au centre de sa bande apostolique. (Remarquez que Paul et les autres travailleurs n'étaient pas des entrepreneurs indépendants. Ils voyageaient toujours à plusieurs, ce qui n'est quasiment jamais le cas des "apôtres" prétentieux d'aujourd'hui.)

    Paul prenait clairement la responsabilité de diriger l'oeuvre, et il gérait aisément les déplacements de ses compagnons d'oeuvre (Actes 16:1-4,9-10; 17:15, 19:21-22; 20:3-5, 13-15; 1 Cor. 4:17; 2 Cor. 8:18-23; Eph. 6:21-22; Phil. 2:19, 23, 25, 28; Col. 4:8-9; 2 Tim. 4: 9-13, 20-22; Tite 1:5; 3:12-13). Mais il n'y avait pas pour autant parmi eux un système hiérarchique figé, dont Paul serait le président!

    C'est pourquoi, Paul n'exige jamais de ses compagnons de le suivre aveuglement. Comme avec les églises, Paul cherchait le consentement de ses collègues à chaque fois qu'il leur demandait quelque chose (1 Cor. 16:10-12; 2 Cor. 18:6,16-18; 9:5, 12:18; Phil. 2:22-23).

    Parfois, Paul s'est soumis à la volonté de ses compagnons d'oeuvre (1 Cor. 16:12). Aussi, il leur laissait la possibilité de différer d'opinion (Actes 15:36-41). L'envoi de Tite, tel qu'il est raconté dans 2 Corinthiens 8:17, souligne la relation de coopération qui existait entre Paul et ses compagnons d'oeuvre : "Car il [Tite] a accueilli notre demande, et c'est avec un nouveau zèle et de son plein gré qu'il part pour aller chez vous." Si Paul prenait la direction de l'oeuvre apostolique, c'est simplement parce qu'il était plus avancé spirituellement que ses compagnons. Ce n'était pas une question de position ecclésiastique. La relation de Paul avec ses compagnons d'oeuvre était donc coopérative et non autoritaire.

    Comme Paul exerçait de l'autorité spirituelle dans l'oeuvre, la soumission de ceux de son groupe était volontaire et personnelle. Elle n'était jamais formelle ni officielle. Paul, quant à lui, ne considérait pas les douze premiers apôtres comme ayant une quelconque autorité hiérarchique sur lui. Il n'avait aucun égard au statut "apostolique" (Gal. 2:6-9). Souvenez-vous qu'à une occasion, lorsqu'un vérité fondamentale était en cause, Paul n'a pas hésité à reprendre en public l'un des plus grands apôtres (Gal. 2:11-21).

    Les apôtres dépendent du Corps 

    L'idée que les travailleurs apostoliques auraient l'autorité sur les églises locales est indéfendable. De même l'idée que certains travailleurs auraient une autorité officielle sur les autres. Ces idées ne sont que des inventions humaines. Elles sont en désaccord avec l'expérience de Paul.

    Les travailleurs apostoliques, comme tous les autres ministères du Corps de Christ, doivent dépendre du Corps, s'ils veulent recevoir la plénitude de Christ. Cela est clair dans l'ouverture de la lettre de Paul aux romains. Il dit qu'il désirait non seulement les bénir par ses dons (1:11), mais aussi être béni par les leurs (1:12; 15:32).

    Il ne faut pas oublier que Dieu condamne toujours l'indépendance et l'individualisme. Si nous sommes dépendants de Dieu, nous ne pourrons être indépendants les uns des autres. Dieu ne permet jamais à son peuple de faire "ce qui lui semble bon" (Deut. 12:8). Car "celui qui se tient à l'écart cherche ce qui lui plaît, il s'irrite contre tout ce qui est sage" (Prov. 18:1).

    Dieu n'a donc consigné aucun de nous, les travailleurs inclus, au petit cercle de notre propre existence, où nous pourrions choisir notre propre chemin. Ceux qui comprennent leur relation avec Dieu de manière seulement "verticale" ("moi et Jésus seuls") se trompent eux-mêmes, et accomplissent les paroles du sage : "La voie de l'insensé est droite à ses yeux, mais celui qui écoute les conseils est sage" (Prov. 12:15).

    Aussi spirituel que puisse être un croyant, il a toujours besoin de ce que peuvent lui apporter ses frères et soeurs en Christ. Car même le puissant Moïse eut besoin d'Aaron et de Hur pour fortifier ses bras au jour de la bataille (Exod. 17:10-13).

    Bien-sûr, tout cela ne signifie pas pour autant que les travailleurs apostoliques ne posséderaient aucune autorité spirituelle. Mais, encore une fois, l'autorité spirituelle est fondamentalement différente de l'autorité positionnelle/hiérarchique.

    Dans le Seigneur, l'autorité existe. Mais elle est liée à la fonction et non au poste. Remplir une fonction et remplir un poste sont deux choses fondamentalement différentes. Le poste sépare les frères. Mais la fonction, attribuée à quelqu'un par l'Esprit, les édifie ensemble.

    Comme nous l'avons vu, les lettres de Paul reflètent un esprit non-autoritaire, et coopératif. Pourtant, comme beaucoup de chrétiens lisent le Nouveau Testament avec l'idée préconçue que Dieu avait délégué aux apôtres une très grande autorité, ils ne voient pas le caractère non-autoritaire des écrits de Paul. Cela prouve que la conception moderne de l'autorité apostolique ne reflète pas l'esprit de Paul.

    Le ministère d'apôtre aujourd'hui 

    Il ne manque pas aujourd'hui de ces "apôtres" modernes, fiers et ambitieux, qui se désignent eux-mêmes leur vocation, et qui courent partout dans le Corps de Christ, pour proclamer des décrés autoritaires, s'accaparer des disciples et se construire des empires. Par conséquent, un grand nombre de chrétiens en ont conclu qu'il n'existerait plus d'apôtres aujourd'hui.

    Sachez cependant qu'il n'en est rien. Dieu a élevé, en ce siècle, d'authentiques travailleurs apostoliques. Ce sont ceux qui ont marché -- et qui marchent -- dans l'esprit de Paul. Comme Paul, ces travailleurs ne cherchent pas à se bâtir des empires chrétiens ni à créer des mouvements. Et ils ne recherchent pas non plus la gloire et la renommée des hommes (1 Cor. 1:13; 3:7,21).

    A quoi ressemble donc un travailleur apostolique contemporain? Si vous appartenez à une église institutionnelle, vous n'en avez probablement jamais vu. Bien-sûr, vous avez vu ceux qui se revendiquent d'être apôtres. Ou du moins, vous avez entendu parler d'hommes auxquels on attachait le titre d'apôtre. Mais de tels hommes manquent souvent les qualités du véritable travailleur.

    Les vrais travailleurs, ce sont ceux, au contraire, qui se cachent, et non ceux qui se mettent en avant. Le plus souvent, leur travail passe inaperçu. Leur service ne se fait pas remarquer. Les vrais travailleurs ne bâtissent pas dénominations, programmes, missions, bâtiments, ni organisations para-ecclésiastiques! Ils bâtissent exclusivement l'ekklesia de Jésus-Christ! (Remarquez que Dieu utilise ceux qui ont le coeur humble pour la construction de Sa maison -- Es. 66:1-2.)

    De plus, ils n'annoncent pas sur tous les toits qu'ils sont apôtres! D'ailleurs, il y a de grandes chances qu'ils n'utilisent même pas ce terme. Et comme ils ne se joignent pas aux dernières modes ecclésiastiques, ils n'appartiendront probablement à aucun mouvement organisé, ni aucune église institutionnelle. Et, généralement, vous ne les trouvez pas dans les journaux chrétiens.

    Quoiqu'ils soient moins nombreux que ces "super-apôtres" bruyants et extravagants de notre temps, les vrais travailleurs effectuent une oeuvre plus profonde et plus utile pour le Seigneur, en vue de l'accomplissement de Son dessein éternel en Christ, parce qu'ils construisent Son église, à Sa façon.

    Tout ceci pourrait se résumer comme suit: les chrétiens modernes doivent être conscients de leur besoin du ministère apostolique, généreux dans leur soutien des travailleurs apostoliques, mais méfiants vis-à-vis de ceux qui revendiquent le statut d'apôtre.

    CHAPITRE 6 :
    RÉSUMÉ ET CONCLUSION

    par Frank A. Viola 


    Pendant la vie terrestre du Seigneur Jésus, les dirigeants religieux de Son époque Lui firent cette question vexante: "Par quelle autorité fais-tu ces choses, et qui t'a donné cette autorité?" (Matt. 21:23).

    Ironiquement, bien des institutions religieuses actuelles posent cette même question à ces groupes de croyants qui se réunissent en toute simplicité autour de Jésus-Christ seul -- sans domination cléricale, ni partisanat dénominationnel.

    "Qui vous couvre?", c'est essentiellement la même question que "Par quelle autorité fais-tu ces choses?".

    Comme je l'ai montré, cette question provient d'une interprétation erronée des Ecritures. Au fond, ce concept moderne de "couverture" ecclésiastique n'est rien d'autre qu'un euphémisme de la domination. C'est pourquoi, il s'accorde mal avec l'assujettissement mutuel exigé par Dieu. Et cela représente un abandon total des principes du Nouveau Testament.

    Par conséquent, l'idée de "couverture spirituelle", promulguée avec tant d'enthousiasme par l'église institutionnelle, aurait été entièrement répudiée par les chrétiens du premier siècle. Assurément, la division idéologique, l'hérésie doctrinale, l'indépendance anarchique et le subjectivisme individualiste sont des fléaux redoutables qui assaillent le Corps de Christ. Mais la "couverture" dénominationnelle / cléricale ne remédie en rien à ces maux.

    Cet enseignement de la "couverture spirituelle", n'est en réalité qu'un symptôme de la maladie qu'il prétend guérir. Ainsi, il accentue les problèmes d'individualisme et d'indépendance dans la mesure où il brouille la distinction entre l'autorité officielle et l'autorité biologique. Cela crée une fausse impression de sécurité parmi les croyants, et introduit toujours plus de divisions dans le Corps de Christ.

    De plus, cet enseignement empêche à la prêtrise de tous les croyants de s'exprimer pleinement, et de fonctionner, en matières spirituelles, selon l'intention divine. Intentionnellement ou non, la "couverture spirituelle" engendre la la peur dans des multitudes de chrétiens, qui s'imaginent que s'ils prennent des responsabilités en matières spirituelles sans l'accord d'un membre du clergé "approuvé" et ordiné, ils se mettront en proie à l'ennemi!

    Aujourd'hui, les membres du clergé perdent une bonne partie de leur temps, à essayer de convaincre les chrétiens qu'ils sont indispensables à leur épanouissement spirituel. Ils affirment qu'ils sont essentiels pour assurer la direction et la stabilité de l'église. On répète encore et toujours, que "faute de vision, le peuple périt". Mais c'est systématiquement la vision isolée du clergé, sans laquelle le peuple mourrait!

    Ainsi, cette doctrine menace implicitement que ceux qui ne sont pas "couverts" seront tenus responsables de toutes les atrocités qui leur arriveront. Il y a très peu de choses qui puissent paralyser autant le Corps de Christ que l'enseignement de la "couverture".

    Par conséquent, si on tente de résoudre tous les problèmes de l'église en employant la "couverture", on ne fera que les aggraver sérieusement.

    En un mot, cet enseignement manifeste un esprit qui n'a rien de Jésus, de Paul, ni d'aucun autre apôtre. Il répond, certes, à un besoin particulier des temps actuels, mais il n'emploie pas pour ce faire la méthode par laquelle Dieu a choisi d'exprimer Son autorité.

    Le remède aux maladies spirituelles de l'hérésie, de l'indépendance, et de l'individualisme n'est pas la couverture. C'est la soumission à l'Esprit de Dieu et les uns autres, par respect envers Christ. Sans cela, rien ne pourra protéger le Corps de Christ. Rien de moins ne pourra guérir ses plaies ouvertes.

    La soumission mutuelle est naturelle dans la vie chrétienne 

    Ne vous y trompez pas. Si vous fonctionnez en accord avec la volonté de Dieu, vous serez mutuellement assujettis aux frères avec lesquels vous vivez. Et de même, vous accueillerez avec joie le conseil des frères fidèles qui vous devancent dans le Seigneur.

    Si on la comprend bien, la soumission mutuelle n'est pas un idéal. Elle est concrète et vitale. Elle a lieu dès lors que l'une des pierres vivantes de la maison du Seigneur reçoit avec humilité les conseils d'une autre pierre vivante, de manière vivante. Elle provient du fait que puisque vous êtes reliés à vos frères et soeurs en Christ, vos actions et vos attitudes sont susceptibles de profondément affecter les leurs.

    Ainsi, la soumission mutuelle crée un climat où l'on apprécie la direction spirituelle, sans la rendre absolue. Elle répond au problème de l'autorité spirituelle sans en faire un instrument de domination. Car, lorsque des relations de redevabilité ou de direction sont gouvernées par la soumission mutuelle, elle deviennent spirituellement saines, et mutuellement enrichissantes. Et elles ne ressemblent en rien à la pratique moderne de la "couverture" hiérarchique.

    Témoignage personnel 

    Ayant fait partie, depuis les années 1980, de plusieurs églises formées sur le modèle du Nouveau Testament, j'ai eu l'occasion d'expérimenter l'immense bien qu'on peut tirer de la soumission mutuelle. En particulier, j'ai découvert la sécurité qui vient lorsqu'on soumet les décisions cruciales de notre vie et de notre ministère personnels au jugement de l'église. Et j'ai vu la sagesse qu'il y a à attendre un consensus avant de se mettre à l'oeuvre.

    De plus, j'ai eu un grand soutien de la part de mes compagnons d'oeuvre, avec lesquels j'ai développé une certaine amitié. Il n'y a dans ma relation avec eux rien de formel ni d'officiel, mais je n'ai pas honte de prendre conseil auprès d'eux toutes les fois où je me trouve face à une question délicate. Car j'ai appris à me fier à leur discernement.

    Bien souvent, leur conseil confirmait ce que le Seigneur m'avait déjà révélé. D'autres fois, alors que j'étais dans l'aveuglement sur un certain point, Dieu s'est servi d'eux pour ajuster ma pensée. Et je dois avouer que si je n'avait pas écouté leurs conseils à de telles occasions, je me serais retrouvé dans bien des situations difficiles.

    De la même manière, ces frères ont eu l'humilité de recevoir mon aide. Cela montre bien que la soumission spirituelle doit toujours être mutuelle. De telles relations sont extrêmement rafraîchissantes. Elles sont naturelles, spontanées, et totalement informelles. Mais elles sont aussi absolument essentielles pour le maintient et l'approfondissement de la croissance spirituelle.

    Les relations de ce type nous font croître dans notre amour pour Christ et pour les autres. Elles nous protègent de l'erreur. Et elles trouvent un juste milieu entre l'indépendance et la séparation monastiques d'une part, et la dépendance pathologique sur les autres d'autre part.

    Quand on donne trop d'importance aux relations de mentorat, elles dégénèrent en une relation de domination, elles sont deviennent quasiment de l'idolâtrie. Mais en même temps, lorsque ces relations sont limitées ou même absentes, elles amènent l'isolation.

    La soumission mutuelle diverge donc à la fois de ces systèmes où l'on finit par être obsédé par les relations, et de ceux qui engendrent une isolation malsaine du Corps de Christ.

    Le coeur du problème 

    En conclusion, je voudrais expliquer pourquoi la question de la "couverture protectrice" mérite l'attention que je lui ai accordée. C'est parce qu'elle annule le pouvoir exécutif du Seigneur Jésus Christ, en tant en Tête de l'Eglise. Les interprétations et les applications erronées de la direction de l'église, de l'autorité et de la redevabilité minimisent toujours l'autorité du Seigneur sur Son église.

    Cela explique que cette question soit si sensible. L'ennemi sait que s'il peut séduire le peuple de Dieu sur de tels points, il pourra faire perdre à Jésus la place qui lui est due dans la communauté des croyants. Cela inhibe le plein accomplissement du dessein de Dieu. Sans parler de l'injure profonde qu'elle apporte au peuple de Dieu.

    Par conséquent, l'examen critique de cette doctrine et de tout ce qu'elle engendre est bien plus qu'un simple exercice théologique superflu. On touche là au dessein-même de Dieu, qui est d'assurer en tout et partout la souveraineté et la suprématie absolue de Jésus Christ.

    La soumission mutuelle nous permet de souligner le thème central de la Bible: la prééminence universelle de Christ (Eph. 1:9-10; Col. 1:15-20). Car, lorsque l'église aura appris à se soumettre à Christ en tous points, le dessein éternel de Dieu d'amener toutes choses en soumission à Son Fils sera accompli (Col. 1:18).

    En tant que "prémices de ses créatures" (Ja. 1:18), nous devons apprendre, en tant que chrétiens, à nous soumettre à l'autorité spirituelle. Et par la suite, toute la création nous suivra. C'est ce qui fait de la soumission à l'autorité divine une affaire sérieuse et précieuse.

    Un nouveau réveil 

    J'espère sincèrement que ce que vous avez lu dans ce livre vous aidera à vous défaire des barrières sectaires que dresse l'enseignement de la "couverture spirituelle". Tout au moins, cela vous aura amené à repenser votre conception de l'autorité et du gouvernement dans l'église.

    Si vous avez bien compris et reçu mon message, voici ce vous qui arrivera: vous allez vous rendre compte que vous courez de graves risques spirituels en condamnant ou en minimisant les églises et les ministères qui ont choisi de ne pas embrasser une quelconque dénomination ou institution religieuse. Vous allez cesser de proférer les nombreuses platitudes liées à la "couverture" et à la "redevabilité".

    De plus, vous allez apprendre à reconnaître l'onction du Seigneur même sur les communautés les plus simples -- vous cesserez de les éliminer d'avance, sous prétexte qu'ils ne se conforment pas aux conceptions modernes et artificielles de l'autorité. Vous prendrez aussi un peu plus de soin quand vous jugerez de la légitimité d'une église ou d'un ministère. Enfin, vous ferez moins d'affirmations au sujet de la "couverture" et de la "redevabilité" qui n'aient pas de fondement dans le Nouveau Testament.

    Dans les années 1970, Dieu a élevé pratiquement partout aux Etats-Unis de nombreuses églises de maison, qui étaient fondées sur le modèle du Nouveau Testament. Mais, de faux enseignements sur l'autorité spirituelle les ont fait chuter quasiment tous. Elles ont subi "l'étouffement" tragique qui suit la "couverture"!

    Qu'il n'en soit pas ainsi aujourd'hui !

    Quoique nous soyons soumis aux mêmes difficultés que ceux qui nous ont précédés, ne faisons pas les mêmes erreurs. Si nous devons nous égarer, que nos erreurs, au moins, soient différentes!

    Comme dans les années 1970, le Seigneur réveille à nouveau Son peuple, pour qu'il reprenne conscience de Son dessein universel, qui consiste à restaurer Sa maison. Je souhaite, en vue de ce réveil, que vous receviez le vin nouveau de Son Esprit (c'est-à-dire Jésus Christ), et que vous vous débarrassiez des vielles outres percées, qui l'empêchaient de couler librement.

    Plaise à Dieu d'élever des centaines de groupes de chrétiens qui se rassembleront exclusivement autour Son Fils. Des groupes qui exprimeront Son Corps dans toute sa plénitude. Des groupes qui ne seront pas retenus par des modèles de gouvernement ou des structures dénominationnelles autoritaires.

    Que vous soyez, cher lecteur, de ce nombre!

    Peut-être une métaphore finale pourra-t-elle résumer tout ce que j'ai pu dire dans les pages précédentes. On pourrait comparer la soumission mutuelle à de la bonne musique. Lorsque la soumission mutuelle s'exerce dans le cadre d'une humilité intelligente et d'une profonde fidélité à l'autorité suprême de Christ, elle forme une douce mélodie, qui sonne en harmonie avec l'air du Nouveau Testament. Mais lorsqu'elle est remplacée par les systèmes hiérarchiques qui caractérisent l'esprit des païens, le son est déformé et l'harmonie brisée. Pire encore, lorsqu'elle est rejetée en faveur du péché moderne de l'indépendance et de l'individualisme total, elle se tait complètement. Et elle est remplacée par un silence froid et morbide.

     

    « LE VOILE OU LA COUVERTURE DE LA TETE L’EVANGILE DE L’EAU ET DE L’ESPRIT »
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